Publié le 30 octobre 2015
ENVIRONNEMENT
COP21 : des engagements climatiques sur la bonne voie mais encore insuffisants
A un mois de la tenue de la Conférence onusienne sur le climat de Paris, près de 80 % des pays ont publié leurs engagements en matière de lutte et d’adaptation au changement climatique. Ceux-ci sont scrutés par de nombreuses institutions et ONG. Mais aussi par l’organisateur même de la COP21, la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique. Dans un rapport publié ce 30 octobre, elle en dresse le panorama et les implications concrètes pour le climat. Résultat : les pays sont sur la bonne voie mais ils doivent mieux faire.

CHINA OUT GETTY OUT AFP PHOTO
En regardant l’ensemble des contributions climatiques soumises par les pays en vue de la Conférence climatique de Paris -155 à ce jour- on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. La Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) qui a compilé et examiné celles des 147 Parties (146 Etats + l’Union européenne sur les 196 Parties que compte la Convention) qui les ont publiées avant la date butoir du 1er octobre, a choisi la deuxième option.
"Il s’agit d’un engagement sans précédent des pays", estime en effet Christiana Figueres, la Secrétaire exécutive de la CCNUCC. "Tous les pays industrialisés sans exception ont rendu leur contribution. Et 74 % des pays en développement. C’est historique !". Ensemble, les 147 INDC (Intended Nationally Determined Contributions), comme on les appelle dans le jargon onusien, correspondent à 86 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES).
C’est presque quatre fois plus que le champ d’application de la première période d'engagement du Protocole de Kyoto, le premier traité international de réduction des émissions, qui demandait aux pays industrialisés de réduire leurs émissions.
Une baisse de 9 % des émissions par personne d’ici 2030
Grâce à ces contributions, la moyenne mondiale des émissions par personne pourrait être ainsi réduite de 8 % d’ici 2025 et de 9 % d’ici 2030, selon la CCNUCC. Un ralentissement significatif de la croissance des émissions, de l’ordre d’un tiers pour la période 2010-2030 comparé à la période 1990-2010 et qui pourrait être "atteint de manière rentable", précise le rapport. Les INDC permettront surtout de ne pas atteindre un réchauffement de 4/5°C degrés ou plus vers lequel nous mènerait un statu quo des Etats.
Mais ces "bonnes nouvelles" ne doivent pas occulter l’urgence de la situation. Ces efforts ne sont tout simplement "pas suffisants", avertit aussi Christiana Figueres. Le rapport rendu par la CCNUCC (Rapport de synthèse sur l'effet global des contributions prévues déterminées au niveau national) ne se prononce pas sur la trajectoire de la hausse globale des températures à laquelle nous mèneront ces contributions (en raison de la limitation des dates cibles des INDC à 2030 pour beaucoup d’entre elles). Mais la secrétaire exécutive reprend à son compte le chiffre de +2,7°C avancé par l’Agence Internationale de l’Energie (IAE) ou de l’ONG Climate Action Tracker. Un chiffre bien éloigné d’une hausse limitée à 2°C ou à 1,5°C qui permettrait de restreindre les conséquences du changement climatique déjà en cours.
Ralentissement de la croissance des émissions dû aux INDC. Crédit : CCNUCC
Des contributions planchers
"Ces contributions ne sont qu'un point de départ vers l'accord et les décisions de la COP21, commente ainsi Pierre Cannet, responsable du programme climat et énergie au WWF France. Pour qu'elles puissent dépasser le stade de promesses, les décideurs du monde doivent maintenant s'accorder sur un mécanisme de révision à la hausse de l'ambition, c'est-à-dire une architecture robuste pour en assurer le suivi, autour de périodes de cinq ans et leur révision à la hausse face à la science et l’équité". Un mécanisme effectivement central pour espérer un accord ambitieux et efficace à Paris.
Mais avant même cette réévaluation à la hausse dans 5 ans, les engagements des Etats peuvent évoluer pendant la COP, rappelle Christiana Figueres. "Certains pays se sont montrés très conservateurs mais nous savons qu’ils sont prêts à faire davantage, comme la Chine", souligne-t-elle. 25 % des INDC, provenant des pays en développement, pourraient aussi être revues à la hausse dans le cas de contributions financières et/ou techniques plus importantes de la part des pays développés. Mais surtout, il restera à traduire ces engagements en actes. Et la transformation impliquée est d’une ampleur inédite pour l’ensemble des économies. C’est ce que montre l’étude MILES publiée un peu plus tôt dans la semaine par l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales) et 15 instituts partenaires à travers le monde. Celle-ci analyse les conséquences concrètes des INDC sur les systèmes énergétiques des bâtiments, des transports et de l’industrie de six zones économiques -la Chine, les Etats-Unis, l’Inde, l’Europe, le Japon et le Brésil qui représentent 60 % des émissions mondiales de GES liées au secteur énergétique- d’ici 2030 et au-delà.
Car derrière chaque INDC, il y a une vision politique mais aussi pratique de la transition énergétique à mettre en œuvre. "Le critère d’évaluation de ces contributions est donc leur capacité à transformer de façon réelle leur économie vers une économie bas carbone", juge ainsi Thomas Spencer, le directeur du programme climat de l’IDDRI.
Derrière les engagements politiques, une transformation énergétique inédite
Dans le secteur de l’électricité par exemple,"les INDC seront le moteur de la transition vers les énergies renouvelables et d’autres formes de production d’électricité à faible émission. Dans les six principales économies évaluées individuellement, les émissions de CO2 par unité de production d’électricité baissent d’environ 40 % entre 2010 et 2030 et l’énergie renouvelable atteindra environ 36 % du mix électrique", conclut l’étude MILES. Des tendances que l’on retrouve aussi sur l’efficacité énergétique. Par exemple l’intensité énergétique du transport de passagers baisserait en moyenne de 30 % dans les six économies étudiées.
Plusieurs INDC prévoient la quasi-neutralité climatique d'ici 2050, ce qui correspond au point où les émissions humaines résiduelles seront absorbées par les systèmes naturels, stockées ou utilisées. Mais l’étude MILES apporte un bémol : "il est peu probable que les INDC actuelles permettent le développement d’un certain nombre de solutions visant à réduire les émissions de carbone comme la capture et le stockage du carbone (CSC), les véhicules électriques, les biocarburants avancés ou encore l’aménagement urbain durable à l’échelle et à la vitesse requise pour un scénario à 2°C". Même chose pour les énergies fossiles qui restent trop présentes dans les mix énergétiques envisagées pour 2030.
Résultat : selon l’étude MILES, telles que rédigées actuellement, les INDC "impliqueraient la nécessité d’un changement de cap radical et brusque en 2030 et un rythme de transformation techniquement difficile et coûteux sur le plan économique par la suite pour atteindre l’objectif de 2°C à la fin du siècle". Les Etats vont donc devoir revoir leur copie à la hausse très rapidement.