Publié le 30 juin 2015
ENVIRONNEMENT
Climat : La Chine publie une contribution prudente avant la COP 21
En visite officielle en France, Li Keqiang, le Premier ministre chinois, a dévoilé le contenu de la contribution de Pékin avant le sommet climatique de Paris (COP 21). La Chine se donne pour objectif d'atteindre son pic d'émissions de gaz à effet de serre en 2030 au plus tard. Le pays le plus émetteur au monde entend aussi baisser son intensité carbone. Des annonces positives, mais qui restent insuffisantes pour contenir la hausse de la température globale en dessous de 2°, comme le recommandent les experts du GIEC.

Greenpeace Natalie Behrin-Chisholm
La Chine se donne pour objectif d’atteindre son pic d’émissions d’ici 2030, et de réduire de 60 à 65 % son intensité carbone d’ici là. C'est ce qui ressort de la publication de sa contribution nationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre avant la conférence climat de Paris en fin d’année (La COP 21 aura lieu du 30 novembre au 11 décembre).
Une "guerre contre la pollution"
Le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, responsable de 25 % des rejets mondiaux, se fixe donc pour objectif d'atteindre le pic de ses émissions de CO2 autour de 2030, "tout en s'efforçant de l'atteindre au plus tôt", indique le document mis en ligne en fin de journée, pendant la visite du Premier ministre Li Keqiang en France.
La Chine prévoit aussi de "porter la part des énergies non fossiles dans la consommation énergétique primaire à environ 20 %". Des objectifs déjà annoncés lors de la déclaration conjointe Chine-USA de l’automne dernier.
"Politiquement, la Chine prend un rôle actif dans le combat pour l’environnement, alors qu’elle était toujours sur la défensive auparavant", analyse Yan Li, experte climat pour Greenpeace Chine. "Mais s’il s’agit de sauver la planète, il faut faire plus, et nous pensons que la Chine peut faire plus."
De fait, la lutte contre la pollution est devenue une priorité nationale : en mars 2014, le Premier ministre appelait à faire la "guerre contre la pollution", qu’il qualifiait d’ "avertissement de la nature contre un modèle de développement aveugle et inefficace". Un discours radicalement opposé à celui de la décennie 2000, pendant laquelle la Chine défendait son droit à polluer pour se développer.
Depuis, l'Empire du milieu a effectivement fait des progrès, améliorant son intensité carbone de 33,8 % depuis 2005, alors que la part de ses énergies renouvelables a augmenté ces dix dernières années pour atteindre 11,2 % de la production chinoise. La Chine investit en effet autant dans les énergies renouvelables que les États-Unis et l’Union européenne réunis, d’après l’Agence internationale de l’Energie.
L’inconnue de la croissance
Pour beaucoup d’experts cependant, en annonçant un pic des émissions à l’horizon 2030, la Chine se laisse une certaine marge de manœuvre. "Il faut prendre en compte la chute récente de consommation de charbon (en légère baisse en 2014), alors que la croissance reste relativement élevée : cela montre un découplage entre l'utilisation du charbon et la croissance de l’économie en Chine", estime Yan Li, de Greenpeace.
L’ONG a d’ailleurs calculé qu’en se basant sur un ralentissement progressif de la croissance, la Chine pourrait connaître son pic d’émissions autour de 2025, voire plus tôt. Après des années de croissance folle, l’activité économique ralentit en effet en Chine : la production devrait progresser d’environ 7 % cette année, laissant entrevoir un atterrissage de l’économie chinoise.
Les autorités parlent de "nouvelle normalité" pour désigner cette phase de croissance plus lente, mais dans l’idéal plus qualitative. Si, comme l’espère Pékin, les services et les nouvelles technologies prennent le relais de l’industrie lourde et de l’exportation de produits bas de gamme, la nouvelle croissance pourrait effectivement être plus efficace en terme d'émissions de CO2.
Les émissions chinoises croîtront de 70% en 15 ans
Pour Dimitri de Boer, vice-président de China Carbon Forum, une ONG basée à Pékin, l’incertitude économique donne toute son importance à l’amélioration de l’intensité énergétique : "Dans une économie qui continue à croître assez rapidement, mais dont l’avenir est difficile à prévoir, l’intensité carbone est plus logique."
L’objectif de Pékin est "ambitieux" selon lui : "Comparé à l’Europe qui peut tabler sur 2 % de croissance, et une annonce une réduction de 40 % de ses émissions, réduire de 65 % son intensité énergétique n’est pas rien !"
En termes d’émissions, l’objectif chinois n’est pourtant pas une réduction. Une diminution de l’intensité carbone ne signifie pas forcément une réduction des émissions puisque l’intensité carbone est l’indice qui mesure la quantité de gaz à effet de serre rejetée pour chaque unité du PIB créé. Ainsi, entre 1990 et 2012, la Chine a divisé son intensité carbone par sept mais ses émissions ont été multipliées par trois !
Si l’on prend en compte les dernières projections du PIB chinois et que l’on applique une réduction de l’intensité carbone de 65% d’ici à 2030, un rapide calcul montre que les émissions chinoises seront presque multipliées par deux dans 15 ans, passant de 12,5 milliards de tonne à 21 milliards de tonne en 2030. De quoi consommer, en 15 ans seulement, environ 25% du budget carbone restant pour ne pas dépasser le seuil de 2°C de réchauffement d’ici à 2100 (estimé à 1100 gigatonnes de CO2 en janvier 2015 dans un article publié dans Nature).
Base de négociations
Un pic des émissions de CO2 chinoises en 2030 serait donc insuffisant pour rester sous la limite de 2°C. "Il faut que les chiffres dévoilés par la Chine soient une base, un minimum", insiste Yan Li. "Personne n’aime se donner des objectifs trop ambitieux : la Chine atteindra ses objectifs, et elle fera même probablement mieux", prédit Dimitri de Boer.
Lors de son passage à Pékin en mai dernier, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius avait rencontré Xie Zhenhua, le négociateur chinois sur le climat, afin de préparer la conférence de Paris en fin d’année. Interrogé sur l’éventualité de contributions trop faibles, il avait reconnu : "Pour le moment, on est trop haut. Il faut diviser les émissions par deux." Avant de rappeler que les contributions ne sont que la base des négociations.