Si la France a fait des progrès dans la lutte contre le changement climatique, ceux-ci sont toujours "insuffisants" pour respecter ses objectifs nationaux, a jugé mardi 29 juin le Haut Conseil pour le Climat (HCC). Et "ce d’autant plus dans le contexte de la nouvelle loi européenne sur le climat" qui devrait revoir à la hausse les objectifs français, écrit l’organisme consultatif indépendant mis en place par Emmanuel Macron.
En 2019, la baisse des émissions s’est légèrement accélérée et est estimée à -1,9 %. Si la réduction a été plus spectaculaire en 2020, avec -9 %, celle-ci "ne reflète pas de changement structurel durable", a insisté la présidente du Haut Conseil Corinne Le Quéré. "En raison du retard accumulé par la France, le rythme actuel de réduction annuelle devra pratiquement doubler pour atteindre au moins 3 % dès 2021 et 3,3 % en moyenne sur la période du troisième budget carbone (2024-2028)" a-t-elle précisé.
La Stratégie nationale bas carbone (SNBC) fixe des plafonds d’émissions pour atteindre l’objectif national de la France de 40 % de baisse des émissions de CO2 d’ici 2030. Le premier "budget carbone" 2015-2018 a été dépassé, valant une condamnation de l’État pour carence par la justice administrative, et le gouvernement a assoupli les plafonds pour 2019-2023, reportant de fait l’effort à accomplir sur l’exercice suivant.
Plan de relance
Si le rapport regrette des politiques publiques encore trop peu alignées sur les objectifs climatiques, il salue toutefois des "progrès", "certains d’ordre structurel", dans les secteurs du bâtiment, de l’industrie et de la transformation d’énergie. En revanche, les émissions des transports, premier secteur émetteur (31%), stagnent, et le secteur agricole voit ses émissions diminuer lentement.
Le HCC estime par ailleurs que le plan de relance post-pandémie "est bien positionné à l’échelle mondiale", avec un tiers (28 milliards d’euros) destiné à la baisse des émissions, mais appelle toutefois à pérenniser ces financements pour contribuer aux changements structurels vers une économie bas-carbone. Pour accélérer cette transition, il suggère certaines mesures comme avancer la date d’arrêt de vente des véhicules thermiques à 2030, la sortie des énergies fossiles pour le chauffage des bâtiments ou la fin des exemptions de taxes sur le fioul, notamment à usage agricole.
Source : HCC
Accentuer les efforts sur l’adaptation
Le HCC appelle d’autre part l’État à appliquer les mesures qu’il prône à l’extérieur. "Le pays se positionne comme un acteur majeur dans la lutte contre le réchauffement dans le cadre des négociations européennes mais peine à atteindre ses propres objectifs nationaux". Le gouvernement assure avoir les moyens de ses ambitions. "Nous pensons toujours que nous sommes capables d’atteindre notre objectif de 2030", a estimé Matignon. Pour répondre aux nouveaux enjeux européens, soit une réduction de 55 % des émissions d’ici la fin de la décennie, le gouvernement envisage l’annonce après l’été d’éventuelles "mesures complémentaires".
Pour la première fois, le HCC s’est intéressé à l’adaptation aux impacts du réchauffement et a appelé à mieux se préparer aux désastres qui se multiplient en intégrant systématiquement le paramètre dans les politiques aux échelons nationaux et territoriaux. "Les deux-tiers de la population française sont déjà fortement ou très fortement exposés aux risques climatiques", a insisté Corinne Le Quéré. Et ce n’est que le début alors que la France a déjà enregistré une hausse des températures de 1,7°C depuis l’ère pré-industrielle, contre 1,1°C au niveau mondial.
Pauline Fricot, @PaulineFricot avec AFP