Publié le 29 février 2016
ENVIRONNEMENT
Climat : l’adaptation, étape cruciale de l’application de l’Accord de Paris
L'adaptation des États aux conséquences déjà visibles du réchauffement climatique constitue l'un des enjeux majeurs de l'Accord de Paris. Le Comité de l’adaptation s'en saisira du 1er au 3 mars, à Bonn, en Allemagne, au siège du Secrétariat de la Convention-Cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques (CNUCC). Son objectif : trouver un équilibre financier entre pays développés et pays en développement.

KHIN MAUNG WIN/AFP
,Le réchauffement climatique est déjà en marche. Selon le 5ème rapport du GIEC, la température moyenne mondiale a augmenté de 0,85°C entre 1880 et 2012. Conséquences : on peut d’ores et déjà constater une augmentation des évènements météorologiques extrêmes – en intensité et en fréquence –, un changement du régime des précipitations, la hausse du niveau de la mer, des périodes de sécheresses plus longues... Et la liste est encore longue.
Ces changements impactent plus particulièrement les pays de l'hémisphère sud, les plus vulnérables économiquement. Et les moins responsables du réchauffement de la planète. Pour ces pays, s’adapter aux perturbations climatiques est devenu une nécessité. C’est d’ailleurs ce que rappelle l’Accord de Paris, après une farouche bataille menée par des pays en développement : "Les Parties reconnaissent que l’adaptation est un élément clef de la riposte mondiale à long terme face aux changements climatiques" (Art. 7.2). Mais comment faire ? C’est tout l’enjeu de la tenue du Comité de l’adaptation.
Définir les meilleures solutions technologiques
Composé de 16 membres, ce comité est dirigé par une double présidence, afin de respecter l’équilibre entre pays du Nord et pays du Sud. Son objectif : gérer les transferts financiers et technologiques entre les deux hémisphères.
Il s’agit d’épauler les pays les plus vulnérables pour contrer les impacts du réchauffement climatique, dont les conséquences sont particulièrement redoutables pour leurs populations et leurs économies. L’article 7.13 du texte stipule en effet qu’"un appui international renforcé est fourni en permanence aux pays en développement".
Le comité fournit un important travail de recensement des besoins et des pratiques les plus efficaces et les mieux adaptées aux réalités locales et régionales. La palette de solutions techniques proposées est large. Elle va de l’installation de systèmes d’irrigation à la construction de digues, en passant par des campagnes de sensibilisation ou des programmes de diversification des économies locales. Le choix de ces mesures n’est pas anodin : un bon programme d’adaptation peut faire la différence dans la prévention et la gestion des catastrophes naturelles.
C’est ce que met en évidence le chercheur spécialiste en géopolitique de l’environnement Francois Gemenne (1). En mai 2008, le cyclone Nargis frappe la Birmanie et fait 146 00 victimes. Six mois plus tôt, un cyclone comparable fait "seulement" 3 400 victimes au Bangladesh. "La principale explication de cette différence réside dans les mécanismes de prévention et de gestion des catastrophes naturelles. Le Bangladesh a mis en place, depuis plusieurs années, des mécanismes de prévention qui prévoient notamment l’évacuation des populations vers des lieux sûrs. De tels plans sont quasi inexistants en Birmanie, où les habitants ont été livrés à eux-mêmes et frappés de plein fouet par le cyclone Nargis", explique l’universitaire, qui vient de rejoindre le conseil scientifique de la Fondation Nicolas Hulot.
Le financement : pierre d’achoppement
Ces programmes d’adaptation sont cependant difficiles à financer. Notamment par les pays du Nord, qui leur préfèrent des transferts technologiques et financiers destinés à l’atténuation du changement climatique, c’est-à-dire à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Leur retour sur investissement est plus évident. Selon Oxfam, seulement 16% des financements climatiques actuels vont ainsi à l’adaptation ; entre 3 et 5 milliards de dollars par an.
La question du financement est donc encore et toujours le point le plus sensible des concertations, car l’Accord de Paris ne dessine que les contours flous d’un futur cadre financier. Pour le Réseau Action Climat (RAC), le texte "n’offre pas la clarté espérée sur les volumes de financements publics" qui seront mobilisés pour l’adaptation.
Pendant la COP21, ONG et pays vulnérables demandaient une mobilisation financière accrue des pays développés, pour atteindre au moins la barre de 35 milliards de dollars par an dédiés uniquement à l’adaptation, sur les 100 milliards promis par le Nord pour la lutte contre le changement climatique au Sud.
"Malheureusement, à Paris, les 195 pays ont seulement décidé de 'viser l’équilibre' entre adaptation et réduction des émissions de gaz à effet de serre, sans préciser de montant dédié à l’adaptation", regrette le RAC. Faute d’avoir tranché à Paris, c’est désormais au Comité de l’adaptation de reprendre les négociations. Un délicat exercice d'équilibrisme.