Publié le 23 mars 2016
ENVIRONNEMENT
Climat : division des pays européens sur l’application de l’Accord de Paris
Si les chefs d’Etat européens se sont mis d’accord à Bruxelles sur le principe d’une ratification de l’Accord de Paris "la plus rapide possible", sa mise en application divise les 28 pays membres. Derrière ce processus se profile un enjeu climatique crucial : 2016 est l’année où l’Europe doit adopter les mesures législatives du paquet climat-énergie 2030. Seulement, l’ambition de ce plan climat est insuffisante pour répondre aux objectifs climatiques fixés à Paris lors de la COP21. Décryptage.

Wiktor Dabrowski - Picture-Alliance/AFP
L’Accord de Paris adopté, il s’agit désormais qu’un nombre suffisant de pays le ratifient puis, surtout, de l’appliquer. Pour l’Union européenne, cela signifie deux choses : signer et ratifier l’accord, mais aussi finaliser la législation en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030.
En ce qui concerne la ratification, les 28 États membres pourront engager le processus – qui suppose l’accord des Parlements nationaux dans la plupart des cas – dès que le texte aura officiellement été signé le 22 avril prochain, au siège des Nations unies à New-York. D’un point de vue formel, l’UE et ses États membres doivent ratifier le texte ensemble, car celui-ci touche aux compétences européennes et nationales.
Une ratification, deux options
La France, où l’accord a été adopté en décembre dernier, doit à ce titre être exemplaire, souligne la ministre de l'Environnement et présidente de la COP21, Ségolène Royal. Elle souhaite donc que le pays figure parmi les premiers États à avoir accompli ses procédures internes de ratification de l'Accord de Paris.
Dans un communiqué, la ministre précise que la consultation interministérielle sur le projet de loi a été menée et que le texte sera examiné par le Conseil d'État juste après la signature de l'accord par le Président de la République le 22 avril prochain à New-York. L’objectif est de promulguer la loi autorisant la ratification de l'Accord au cours de l'été.
L’élan français sera-t-il communicatif ? Rien n’est moins sûr. "Toute la question est de savoir à quelle vitesse les États membres veulent engager le processus de ratification, relève Rosalind Cook, experte de la diplomatie climatique européenne au sein de l’organisation E3G sur le climat. Deux options s’ouvrent à la Commission. Soit elle emprunte la voie traditionnelle et attend que tous les 28 pays membres ratifient l’accord, mais cela peut prendre entre 2 et 3 ans. Soit elle définit et met en place une procédure accélérée permettant une ratification de l’accord par la Commission d’ici la fin de l’année", souligne l’analyste.
L’enjeu : la hausse des ambitions climatiques de l’UE
Quels enjeux derrière ces deux options ? Une ratification rapide impliquerait une révision à la hausse prochaine des ambitions climatiques européennes. De fait, ces ambitions, telles qu’elles sont définies dans le plan climat actuel, restent insuffisantes pour respecter les objectifs adoptés à Paris en décembre dernier, comme le soulignent de nombreuses organisations environnementales.
Pour être à la hauteur des objectifs affichés lors de la COP21 – notamment en tant que membre de la coalition mondiale de la plus "haute ambition", qui plaide pour une limitation du réchauffement global à 1,5°C – l’UE doit revoir ses outils de régulation (prix du carbone par exemple), ses objectifs d’efficacité énergétique mais aussi de développement des énergies renouvelables pour 2030, estime le WWF. "Alors que 9/10èmes de l'électricité nouvelle installée dans le monde est renouvelable, il est temps d’accélérer la transition énergétique européenne. A un mois de la signature de l’Accord de Paris à New York, l'UE doit expliquer et démontrer au plus haut niveau comment elle entend donner vie à l’accord ", souligne ainsi le directeur général de l’ONG en France, Pascal Canfin. Or, si des pays comme la France, l'Allemagne, l'Autriche ou le Luxembourg ont explicitement demandé que l'Union européenne relève son objectif pour 2030 de réduction des émissions de gaz à effet de serre, fixé à 40%, ce n’est pas le cas de la Commission européenne. Du moins pour le moment.
Car d’autres pays sont beaucoup moins allants que les premiers : l'Italie, la Pologne, la République tchèque et la Hongrie ont opposé une fin de non-recevoir à toute révision à la hausse de cette ambition. "Pour ces pays, l’Accord de Paris met en danger leurs secteurs énergétiques traditionnels. C’est particulièrement vrai pour la Pologne, qui veut préserver son industrie du charbon", poursuit Rosalind Cook.
Un casse-tête diplomatique
Un véritable casse-tête diplomatique s’annonce donc pour une Commission déjà aux prises avec la crise des réfugiés et celle du Brexit. L'échéance suivante ? Le prochain sommet européen, en juin. "La Commission aura deux questions à trancher : la répartition des efforts à fournir et les détails de la procédure accélérée de ratification", explique Rosalind Cook.
Deux préalables nécessaires pour une clarification de la stratégie climatique européenne. Attendue par les acteurs économiques et financiers. "Les investisseurs attendent de l’Union européenne qu’elle envoie un signal fort et qu’elle balise la voie vers une économie bas-carbone. Il est donc important que la Commission et les États membres ratifient l’accord rapidement."