Publié le 28 juillet 2022
ENVIRONNEMENT
Bombes climatiques : le centre commercial de trop dans le pays de Gex, à la frontière suisse
Parmi les bombes climatiques en cours de construction en France, il a y de nombreux projets de centres commerciaux. Focus sur celui de Ferney-Voltaire, dans le pays de Gex, à la frontière suisse. Toute la semaine, Novethic vous propose un tour de France des projets les plus climaticides, en s’appuyant sur l’étude "Projet local, impact global" publiée en mai dernier par le cabinet BL Évolution et l’association Terres de luttes*.

@Altarea Cogedim
130 boutiques, 19 restaurants, 1 600 places de stationnement, près de 4 000 m² consacrés aux sciences et à la culture, le tout réparti sur trois bâtiments d’une trentaine de mètres de haut. Voici le projet de nouveau centre commercial qui doit voir le jour au pied de la grande douane de Ferney-Voltaire, dans l’Ain, l’un des trois passages vers la Suisse, à quelques kilomètres seulement de Genève. Un projet qui s’inscrit dans le cadre de la future zone d'aménagement concertée (ZAC) sur 65 hectares, qui prévoit à terme la réalisation d’un nouveau quartier de 2 500 logements et 200 000 m² d’activités économiques.
Mais pour l'instant, les travaux sont au point mort en raison d’un recours déposé il y a deux ans par l'association Poterie Riposte devant le tribunal administratif de Lyon. "Val-Thoiry, Espace Candide, le Balexert en Suisse, le futur centre commercial Open de Saint-Genis-Pouilly…C'est en France l'un des endroits les mieux desservis en centres commerciaux. Nous n'avons pas besoin d'un nouveau centre commercial gigantesque, d'une capacité d'accueil de 14 000 personnes par jour", affirme Anne Durand, la présidente de l’association.
"Le centre commercial cible davantage les Suisses que les habitants du pays de Gex"
La future installation doit voir le jour sur une friche industrielle qui vivote péniblement aujourd'hui. "Nous avons effectivement besoin de rénover cette zone mais pas comme ça ! Le futur centre commercial cible davantage les Suisses que les habitants du pays de Gex. Il va encourager un tourisme d’achat qui va entraîner la destruction de l’économie locale et des commerces de proximité et accroître la circulation entre Ferney et Genève et donc la pollution", poursuit la présidente de l’association Poterie Riposte, qui a organisé plusieurs ateliers pour imaginer un projet alternatif davantage ancré dans la ville.
La commune compte officiellement 10 000 habitants mais attire aussi de très nombreux frontaliers suisses au fort pouvoir d’achat. Du côté du promoteur, c'est donc sans détour qu'on vante le projet de Ferney-Voltaire comme "une zone de chalandise exceptionnelle, transfrontalière entre France et Suisse et dont la clientèle internationale est dotée d’un fort pouvoir d’achat". Et les documents qui présentent le projet précisent bien que la clientèle attendue est à deux tiers suisse et à un tiers française, avec une zone de chalandise de 350 000 habitants "équivalent à 1 million d’habitants compte tenu du fort pouvoir d’achat".
"C'est une région de croissance démographique exceptionnelle avec plus de 80 000 habitants attendus d'ici 2030, soit l'équivalent d'une ville comme Blois ou Quimper. C'est pour ça que nous nous sommes intéressés au projet et que nous sommes convaincus de son intérêt. Pour répondre aux critiques plus générales autour des centres commerciaux, nous avons ici cassé tous les codes traditionnels avec la construction de trois bâtiments sur trois niveaux situés autour d'une grande place et d'un jardin. Il n'y aura pas de commerces de bouche, déjà présents par ailleurs, et on vise au moins 15 % de commerces éco-responsables mais aussi des commerces éphémères pour valoriser l'artisanat local", détaille enthousiaste Florence Delgove, directrice du développement commerce–loisir chez Altarea commerce.
"Y a-t-il un besoin particulier de commerces ou loisirs au regard de l’offre locale ?"
Reste que les projets commerciaux ont des impacts non négligeables sur "l’artificialisation des sols, les transports induits par ces activités (visiteurs), la fabrication des matériaux de construction pour les bâtiments et parkings et surtout la fabrication des produits vendus par les commerces", énumère le cabinet BL Évolution. Selon l’étude "Projet local, impact global" qu'il a publié en mai dernier avec l’association Terres de luttes*, et qui étudie 65 projets, le projet de ZAC de Ferney-Voltaire (pris dans son ensemble) émettrait 5,2 millions de tonnes équivalent CO2 sur trente ans, soit l’un des projets les plus climaticides menés actuellement en France.
"Y a-t-il un besoin particulier de commerces ou loisirs au regard de l’offre locale ? Y a-t-il un risque d’effondrement du petit commerce de proximité ? Quelles sont les nuisances liées à du trafic supplémentaire ? Les produits vendus dans les commerces sont-ils issus d’une économie circulaire, de ressources locales, réparables ? Comment seront-ils acheminés et quelle distance vont-ils parcourir ? La zone à aménager est-elle desservie en transport en commun ou bien majoritairement accessible en voiture ?" Tout autant de questions qu’il faudrait se poser en amont, selon les auteurs du rapport.
Concepcion Alvarez @conce1
*Retrouvez ici l'intégralité de l'étude "Projet local, impact global" publiée en mai 2022 par le cabinet BL Évolution et l’association Terres de luttes.