Publié le 05 décembre 2015

ENVIRONNEMENT
Action Day : point d’orgue de l’engagement des acteurs non-étatiques sur le climat
Il est présenté comme quatrième pilier de l’Alliance de Paris : l’Agenda des solutions (ou LPAA) regroupe les engagements de tous les acteurs non-étatiques. Entreprises, investisseurs, collectivités locales, ONG ou syndicats, tous secteurs confondus, ces acteurs sont invités à se mobiliser en faveur du climat pour permettre de combler le fossé entre les contributions climatiques des Etats et l’objectif d’un réchauffement climatique ne dépassant pas les 2°C. Ce samedi 5 décembre, l’Action Day organisé au Bourget a permis de rassembler ces engagements et de dessiner un monde "bas-carbone".

PASCAL LE SEGRETAIN Getty Images AFP
La mobilisation des gouvernements seule ne suffira pas pour rester sous le seuil des 2°C. C’est à partir de ce constat qu’est né l’Agenda des solutions, ou Programme d’actions Paris-Lima (LPAA). Il regroupe les engagements de tous les acteurs non-étatiques : entreprises, investisseurs, collectivités, ONG… Ils ont été synthétisés lors de l’Action Day, organisé ce samedi, point d’orgue de la mobilisation de la société civile.
Depuis le 1er décembre et jusqu’au 8, des journées thématiques sont organisées au Bourget, le site où se déroulent les négociations onusiennes de la COP21, pour valoriser les différents programmes d'action - finance, résilience, forêts, énergie, transport, bâtiment…- avec de nombreuses annonces. En parallèle, un millier de maires se sont réunis hier à l’Hôtel de Ville de Paris pour affirmer l’ambition d’une transition vers 100 % d’énergies renouvelables d’ici à 2050. Les édiles y ont également soutenu l'objectif de réduire de 3,7 gigatonnes les émissions annuelles de gaz à effet de serre dans les zones urbaines d’ici à 2030 .
Un tournant historique selon Laurent Fabius
"Cette COP est historique car nous sommes à un double tournant", s’est réjoui Laurent Fabius, le président de la COP21 et ministre Français des Affaires étrangères, en ouverture de l’Action Day, ce matin. "Un premier tournant qui a eu lieu lundi avec la présence de 150 chefs d’État, et un second tournant parce qu’il n’y a plus seulement que les gouvernements qui agissent mais tous les acteurs de la société. Cette COP sera un succès car c’est une COP de l’action. Une action qui est lancée, qui va se poursuivre et s’amplifier".
Selon une étude de l’université de Yale, rendue publique en amont de l’Action Day, l’ensemble des engagements collectés sur la plateforme Nazca et sur celle du Lima-Paris Action Agenda dépassent les émissions mondiales des secteurs de l’acier et du fer.
600 des plus grandes entreprises du monde engagées
Les auteurs du rapport ont analysé plus de 10 000 contributions. Parmi elles, les engagements de 2 460 villes et régions pourraient contribuer à hauteur de 2,7 gigatonnes de CO2 à la réduction des émissions. Autre enseignement : 15 des 20 plus grandes banques mondiales ont annoncé qu’elles débloqueraient 50 milliards de dollars pour le financement de projets climat. Et plus d’un tiers des 2 000 plus grandes entreprises recensées dans l’indice Forbes Global 2000 ont également annoncé des mesures de réduction d’émissions. Elles pèsent 19 200 milliards de dollars, soit les PIB réunis de la Chine, du Japon, et de l’Allemagne.
Ces résultats montrent l’ampleur de la mobilisation de la société civile, tous secteurs confondus. Ce samedi, plus de 50 personnalités du monde entier sont montées à la tribune pour décrire à quoi pourrait ressembler le monde bas carbone de demain. Parmi eux, Eric Rondolat, PDG de Philips Lighting, qui vient d’installer 76 000 lampadaires à Led alimentés par des panneaux solaires en Inde. "Les technologies sont là, nous pouvons aller plus vite plus loin. Le futur est entre nos mains".
"Impératif économique à agir"
Paul Polman, PDG d’Unilever est également venu défendre l’impératif pour les entreprises de participer à la lutter contre le changement climatique. "Si vous ne croyez pas à l’impératif moral, engagez-vous par impératif économique", a-t-il lancé aux entreprises qui n'ont pas encore entamée leur transition énergétique. "Le risque réputationnel est de plus en plus prégnant. Tous les jours, dans les journaux, on voit des entreprises payer cher le fait de ne pas agir. La société civile nous observe et nous pousse à l’action".
Le géant anglo-néerlandais s’est engagé à devenir "carbon positive" d’ici 2030 à travers un approvisionnement à 100% en énergies renouvelables et en éliminant le charbon de son mix énergétique d’ici 2020. "Le business as usual ne marche pas. Nous sommes à un point de basculement. L’industrie financière se réveille et va entraîner avec elle le monde des entreprises".
Le monde de la finance privée qui a communiqué ses annonces hier dans le cadre d’une matinée thématique. Au total, plus de 1 000 investisseurs représentant 30 000 milliards d'actifs ont pris des engagements climat dans le monde. "Depuis près d’un an et demi, les investisseurs institutionnels prennent enfin en compte le changement climatique et le risque qu’il va faire peser sur les actifs liés aux compagnies fossiles, précise Mats Andersson, le PDG d’AP4, l’un des plus grands fonds de pension au monde. Le secteur financier est en marche. Des milliards de dollars sont aujourd’hui orientés vers une économie bas-carbone. Demain, ce seront des milliers de milliards".
Prochain sommet "Action climat" en mai 2016
L’Action Day s’inscrit dans la ligne du Sommet climat organisé par Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l’ONU, en septembre 2014, à New York. La dynamique s’était poursuivie à Lima, lors de la COP20 en 2014. Une première "Journée de l’action" avait alors eu lieu en présence notamment d’Al Gore et de Felipe Calderon. A l’issue de cette COP, tous les pays avaient appelé à poursuivre le mouvement à travers la mise en place de l’Agenda des solutions.
Pour mettre en œuvre toutes ces solutions et accélérer le processus, Ban Ki-Moon a annoncé qu’il co-organisera les 5 et 6 mai prochains à Washington, un sommet "Action climat 2016" regroupant des représentants de gouvernements, du secteur privé, de villes et localités ainsi que de la société civile et du monde universitaire.
"Se battre ensemble"
"Cette journée permet de faire pression pour arriver à un accord, vous nous indiquez le chemin", a déclaré François Hollande, le président de la République, dans son discours de clôture. "Vous nous donnez l’impulsion indispensable, le souffle nécessaire et la force de vos initiatives".
Pour l’entrepreneur chinois Jack Ma, qui a lancé la plateforme de e-commerce Alibaba, "il est trop tard pour se plaindre et chercher le coupable. Il faut travailler et se battre tous ensemble. C’est la seule solution pour s’en sortir". Un message qui gagnerait à rejoindre les rangs des ministres qui prennent la main sur le texte dès lundi après qu’un projet d’accord a été adopté ce matin par les négociateurs.