Publié le 04 mai 2022
ENVIRONNEMENT
Le Parlement européen rejette l’interdiction de la pêche au chalut dans les aires maritimes protégées
La pêche au chalut, très décriée par les ONG environnementales pour ses conséquences sur la biodiversité et l'environnement, restera bien autorisée dans les aires maritimes protégées de l'Union européenne. Les eurodéputés ont rejeté un amendement visant à l'interdire préférant plutôt la limiter en raison de la manne économique que représente cette méthode pour les pêcheurs.

Pierre Gleizes / Greenpeace
"C’est un véritable désastre pour le climat et la biodiversité". La fondatrice de Bloom, ONG qui lutte contre la destruction de l’océan et des pêcheurs, Claire Nouvian, n’a pas mâché ses mots à l’issue du vote du Parlement européen le 3 mai sur la pêche au chalut. Les eurodéputés ont en effet rejeté l’interdiction de tirer des chaluts dans les aires marines protégées de l’Union européenne. Or selon l'ONG Oceana, la pêche au chalut, qui consiste à racler les fonds marins avec des engins tractés, est pratiquée dans 86 % d'entre elles. L’association Bloom la considère comme la méthode de pêche la plus destructrice qui existe de nos jours.
Sur les réseaux sociaux, l’affaire a été particulièrement relayée. Une pétition, soutenue par plusieurs personnalités dont le journaliste Hugo Clément et l’humoriste Nicole Ferroni, demandait justement d’interdire "les méthodes de pêche destructrices et les activités extractives dans les aires marines dites "protégées". Malgré la mobilisation, l’amendement de la députée Verte Caroline Roose n’a pas été adopté, avec 319 voix contre, 280 pour et 35 absentions. L’eurodéputé macroniste Pascal Canfin, du groupe Renew Europe, s’est dit "à titre personnel" favorable à cette position mais explique sur Linkedin pourquoi elle pose problème.
"Je suis aussi conscient que cette position pose des problèmes économiques à certains pécheurs et certains territoires, et que par ailleurs certaines aires protégées le sont pour les oiseaux, ce qui peut rendre difficilement compréhensible pour les pécheurs le fait d’interdire une pratique de pêche qui n’a rien à voir avec la protection des oiseaux", écrit-il. L’ancien directeur général du WWF France a donc souhaité rédiger un "amendement de compromis" visant à interdire des "techniques préjudiciables, dont le chalutage de fond, dans certaines parties de ses zones marines protégées en commençant par les plus menacées, lorsque l’interdiction est jugée proportionnée à la suite d’une évaluation d’impact fondée sur des avis scientifiques".
Bras de fer
Cet amendement, préparé avec son collègue Pierre Karlesking, décrié à la fois par les écologistes et le "lobby de la pêche industrielle", selon Pascal Canfin, n’a finalement pas été présenté, l’eurodéputé étant persuadé qu’il ne trouverait pas de majorité. C’est un autre amendement de Pierre Karlesking qui a été adopté par le Parlement européen en marge de l'adoption d’un rapport sur l’économie de la mer. Il vise à "interdire le recours aux techniques néfastes" pour l’environnement dans les zones "strictement protégées". Ces dernières ne représentent que 1 % des eaux européennes, selon les ONG environnementales, et sont en principe déjà exemptes d’activités "néfastes".
C'est "une triste journée" a tweeté l’eurodéputée verte Caroline Roose qui s’est tout de même félicitée de l'adoption de trois de ses propres amendements. L’un d’eux prévoit l’interdiction des "activités industrielles d’extraction, telles que l’exploitation minière dans les zones marines protégées". Bien que non contraignants, ces amendements sont "une avancée importante", "un signal politique fort" pour la Commission européenne qui doit d'ici l'été présenter ses mesures pour la gestion des mers et la restauration des écosystèmes naturels, estime Nicolas Fournier, de l'ONG Oceana. Pour rappel, l'Union européenne s'est engagée à passer de 10 % d'aires marines protégées à 30 %. Ces aires, qui ont été créées pour enrayer la crise climatique et le déclin de la biodiversité, sont régulièrement pointées du doigt car en réalité trop peu protégées.
Marina Fabre Soundron @fabre_marina avec AFP