Les heures étaient comptées pour le militant Thomas Brail, hospitalisé ce mardi 10 octobre. La décision de la préfecture de l’Occitanie de suspendre les travaux de défrichement et de réunir les élus vendredi 13 octobre pour échanger sur le projet de l’A69 a convaincu les trois militants en grève de la soif depuis lundi 9 octobre matin de recommencer à boire.
Affaibli par une grève de la faim depuis plus de 40 jours, Thomas Brail a perdu connaissance dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 octobre et a été hospitalisé au petit matin à l’hôpital Cochin à Paris, a appris l’AFP. "Ce n’est qu’une question d’heures", alertait depuis le compte LinkedIn de Thomas Brail ce mardi midi, le militant Olivier Chollet impliqué dans le Groupe National de Surveillance des Arbres, association fondée par Thomas Brail. Ce dernier avait annoncé au début de sa grève refuser des soins médicaux. "Une grève de la soif, c’est trois jours si on va bien. Moi, j’en suis à 40, bientôt 40 jours de grève de la faim. Donc, je pense que c’est quelques heures pour moi", a-t-il déclaré lundi.
"Ils ont puisé jusqu’au bout de leurs forces"
Les deux autres militants en grève de la soif, Reva et Çelik, étaient aussi dans un état critique, installés sur la passerelle Léopold-Sédar-Senghor, à Paris. "Ils sont aussi très faibles et pourraient décompenser à n’importe quel instant, a confié ce mardi 10 octobre la médecin chargée de leur suivi auprès nos confrères du média Reporterre. Hier, ils ont puisé jusqu’au bout de leur force en marchant des heures sous le soleil, en répondant aux médias. Je crains qu’ils ne se lèvent pas aujourd’hui."
L’autoroute A69, défendue par les élus du Tarn pour améliorer l’attractivité de Castres et imaginée depuis près de 30 ans, devrait artificialiser 343 hectares de terre. Un projet à contre-sens des urgences climatiques et environnementales selon les militants opposés au projet. Ces derniers mettent en avant des alternatives telles qu’un renforcement du train et du covoiturage et une "vélo route nationale". "On demande un référendum car il faut que les citoyens soient consultés. On rappelle que des instances indépendantes ont donné un avis défavorable. Les extrémistes, ce sont les personnes qui ne pensent pas à l’avenir de nos enfants", a déclaré Thomas Brail au micro de France Bleu Occitanie dimanche 8 octobre.
Un "silence assourdissant"
Le rapporteur spécial de l’ONU sur les défenseurs de l’environnement, Michel Forst, a déploré dans un tweet, le "silence assourdissant" du gouvernement et de la présidente de la région Occitanie Carole Delga.
@BrailThomas Celik&Reva sont #defenseurs de l’#environnement Je suis gravement concerné par leur état de santé, celui des autres grévistes, et le silence assourdissant de @gouvernementFR @CaroleDelga @CBeaune face à cette situation insoutenable @GNSA_arbres Incompréhensible !
— Michel Forst (@ForstMichel) October 10, 2023
1500 scientifiques, dont Valérie Masson-Delmotte, la coprésidente du groupe 1 du GIEC, ont également affirmé leur désaccord dans une lettre ouverte publiée le 4 octobre dans l’Obs. Ils affirment que ce projet est "sur une trajectoire incompatible avec la transition écologique telle qu’inscrite dans la loi". 200 scientifiques du CNRS avaient déjà demandé l’arrêt immédiat des travaux dans une lettre ouverte publiée dans Mediapart. Le réalisateur Cyril Dion, l’activiste Camille Etienne et plusieurs élus ont affirmé leur soutien à ce combat. Plusieurs mouvements écologistes ont appelé à un week-end de mobilisation les 21 et 22 octobre, sur le tracé de l’autoroute décriée. Un appel relayé par les Soulèvements de la terre.
A la suite de l’hospitalisation, la préfecture d’Occitanie a annoncé à l’AFP avoir programmé une réunion vendredi "avec les maires et les élus du territoire". D’ici là, "les opérations de défrichement importantes n’auront pas lieu", précise la préfecture. Pour le ministre des Transports Clément Beaune, "cette pause doit permettre un apaisement avant la réunion de vendredi".
Fin septembre, le ministre des Transports avait indiqué vouloir arrêter certains projets autoroutiers pas encore lancés. "A l’heure de la planification écologique, on ne peut pas faire comme avant", avait-il indiqué au micro de BFM TV. Le projet de l’A69 semble lui, bien maintenu. Son cabinet a annoncé le 9 octobre à l’AFP vouloir respecter les décisions politiques et juridiques qui ont déjà validé le projet.
Fanny Breuneval avec AFP