Publié le 10 août 2019
ENVIRONNEMENT
[Science] L’agriculture peut aider à stocker davantage de CO2 afin d'atteindre la neutralité carbone
Les sols constituent les seuls puits de carbone naturels dont nous disposons pour espérer atteindre la neutralité carbone en 2050 et s’aligner avec l’Accord de Paris. Alors que le Giec a alerté cette semaine sur les impacts du changement climatique sur l'usage des sols, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) a évalué le potentiel de stockage des terres françaises. En modifiant nos pratiques agricoles dans les grandes cultures et en stoppant l’artificialisation, nous pourrions atteindre l’équilibre.

@INRA / Claude Jolivet
En 2015, la communauté internationale réunie à Paris pour la COP21 a adopté l’initiative internationale "4 pour 1000" qui a pour but d’améliorer la captation du carbone par l’agriculture. Les experts estiment en effet qu’augmenter tous les ans d’un quatre millième (4/1000 ou 0,4%) le potentiel de stockage des sols suffirait à compenser l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre de la planète. Quatre ans plus tard, dans un rapport (1), l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) a évalué comment la France pouvait atteindre cet ambitieux objectif.
À l’échelle du pays, les sols et forêts représentent 38 % du stock total de carbone, un levier par conséquent pertinent à activer pour lutter contre le changement climatique. Au rythme actuel, et sans changement d’usage des sols, l’évolution des stocks de carbone est estimée à 2,3 ‰ par an avec une forte incertitude (-0,2 ‰ à +3,2 ‰ par an). Mais un stockage additionnel de 1,9 ‰ pourrait être atteint, estiment les chercheurs, en modifiant certaines pratiques agricoles, ce qui nous permettrait de s’approcher, voire de dépasser, la cible d’une augmentation de 4‰ par an.
Couverts intermédiaires, agroforesterie, haie, compost, prairies…
C’est en grandes cultures – où le stock actuel est le plus faible – que réside le plus fort potentiel de stockage additionnel (86 % du total). L’Inra a identifié cinq pratiques à développer : la mise en place de couverts intercalaires et intermédiaires (35 % du potentiel total pour un coût modéré), l’agroforesterie (19 % du potentiel total, avec un coût élevé), les prairies temporaires dans les rotations culturales (13 % du potentiel total, avec un coût élevé, l’apport de composts (coût négatif) et la plantation de haies (coût élevé).
Pour les prairies permanentes, un stockage additionnel de l’ordre de 12 % du potentiel de la France peut être atteint par un apport de fertilisant ou bien par une extension du pâturage plutôt que la fauche. Pour les forêts, aucune pratique agricole plus "stockante" qu’actuellement n’a pu être identifiée : l’enjeu est donc de maintenir le stock existant et les pratiques permettant de l’entretenir.
L’étude montre ainsi "l’importance de politiques publiques pour favoriser le maintien des prairies permanentes, des zones humides et des forêts, où les sols ont généralement des stocks de carbone élevé, ainsi que pour stopper l’artificialisation des sols". "Mais ces résultats ne doivent pas laisser penser que la réduction des émissions devient facultative. Elle reste même l’objectif principal", précisent les auteurs. Réduire avant de compenser pour atteindre la neutralité carbone reste la règle.
Concepcion Alvarez @conce1
(1) Voir le rapport de l'Inra