Publié le 04 juin 2021

ENVIRONNEMENT

PAC : l’Europe ne parvient pas à verdir son agriculture malgré l’urgence climatique

Alors qu'avec le Green Deal, l'Europe s'est dotée d'une feuille de route ambitieuse pour l'agriculture et l'alimentation, la nouvelle Politique agricole commune (PAC) semble pour l'instant loin du compte. Les 27 États membres et le Parlement européen n'ont d'ailleurs pas réussi à s'entendre sur le verdissement de cette nouvelle version qui va pourtant définir l'orientation de l'agriculture européenne pour les sept ans à venir. 

Agriculture france pixabay
Les négociations pour la future PAC se sont soldées sur un échec et reprendront en juin.
CC0

"Un nombre important de sujets cruciaux restent non résolus. Il a donc été décidé de repousser les discussions". Le couperet est tombé le 28 mai, après trois jours d’âpres négociations. Le Conseil européen, représentant les 27 États membres, et le Parlement n’ont pas réussi à s’accorder sur la nouvelle Politique agricole commune. Cet échec met en exergue la difficulté pour l’Union européenne de verdir son agriculture. La PAC est aujourd’hui le premier poste budgétaire de l’Union. Avec 387 milliards d’euros débloqués à partir de 2023, pour sept ans, dont 270 milliards de subventions directes aux agriculteurs, elle définit les grandes orientations agricoles. 

Or le système actuel est accusé de favoriser les plus gros exploitants agricoles conventionnels, au détriment des plus petits alors que l’agriculture représente aujourd’hui un tiers des émissions de gaz à effet de serre du continent. Le principal point de désaccord réside dans la redistribution des écorégimes, primes accordées aux agriculteurs participant à des programmes environnementaux exigeants. Les eurodéputés réclamaient initialement qu’ils représentent au moins 30 % des paiements directs aux agriculteurs alors que les 27 demandent de les abaisser à 20 %. 

Un décalage avec le Green Deal

"Le Parlement européen est fermement décidé à ne pas brader la prochaine PAC. L’intérêt général doit primer sur les égoïsmes nationaux. Nous continuerons à négocier car il en va de l’avenir de l’agriculture mais aussi du green deal", juge l’eurodéputé socialiste Éric Andrieu. Même chose du côté de l’eurodéputé Renew Europe Pascal Canfin pour qui "ce n’est pas dans sept ans qu’il faut aligner la politique agricole avec le Green Deal, c’est maintenant".  

Le Pacte Vert prévoit en effet de réduire de moitié "l’utilisation et le risque de pesticides" d’ici 2030. Il envisage également une "baisse de 20 % de l’utilisation des engrais et une baisse de 50 % de la vente d’antimicrobiens pour les animaux d’élevage et l’aquaculture". La Commission européenne veut également développer l'agriculture biologique, à hauteur de 25 % des terres cultivées. Un ambitieux projet, annoncé l’année dernière, qui n’a pas trouvé écho dans la nouvelle PAC. Les négociations, qui ont débuté en octobre, s’appuient en effet sur l’ancienne feuille de route portée par Jean-Claude Juncker, avant le virage vert pris par Bruxelles. 

La France ciblée par les ONG écologistes

La France, représentée par le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, est accusée par les ONG environnementales de n’avoir pas milité pour une PAC plus verte, au contraire. Greenpeace, WWF, France Nature environnement ou encore la Confédération paysanne ont d’ailleurs quitté la table des discussions fin avril alors que le gouvernement doit définir son plan stratégique national. Celui-ci va permettre à la France de préciser la manière dont elle va redistribuer les aides européennes. Là aussi ce sont les écorégimes qui ont cristallisé les tensions, les ONG jugeant les critères de redistribution trop laxistes. 

Or pour Julien Denormandie, l’intérêt est justement que les écorégimes soient accessibles au plus grand nombre, étant donné la précarité actuelle des agriculteurs. Ainsi, 79 % des grandes cultures sont déjà éligibles à cet écorégime, et 13 % pourront le devenir en modifiant une petite partie de leur choix de cultures. Investir dans la transition agroécologique et l'agriculture de demain "n'est possible que si vos revenus le permettent", a insisté le ministre devant la presse, à l'issue d'une réunion avec le monde agricole et des ONG.

Marina Fabre, @fabre_marina avec AFP


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