Publié le 20 mai 2022
ENVIRONNEMENT
Marc Fesneau, un chasseur ministre de l’Agriculture
C’est un profil qui rassure les agriculteurs et affole les écologistes. Marc Fesneau, l’un des bras droits de François Bayrou, vient d’être nommé ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. En pleine guerre en Ukraine, l’enjeu est de taille mais les positions pro-chasse et anti bien-être animal de l’ancienne figure du Modem suscitent de vives tensions.

BERTRAND GUAY / AFP
C’est un poste crucial pour la transition écologique et la clé de l’Hôtel de Villeroy vient d’être remise à Marc Fesneau, jusqu’ici ministre des Relations avec le Parlement. Le vice-président du Modem remplace un des proches du gouvernement, Julien Denormandie qui dit vouloir se consacrer à sa famille. Fils d’un exploitant agricole, Marc Fesneau se désigne parfois comme "porte-parole de la ruralité". Il faut dire que le ministre connaît les sujets agricoles, il était le référent de François Bayrou sur ces questions et a travaillé pendant plusieurs années pour la chambre d’agriculture du Loir-et-Cher. Il n’est donc pas étonnant que son nom soit bien accueilli par le milieu agricole. En revanche, du côté des écologistes, les dents grincent.
"La pire nomination pour les animaux", tacle sur Twitter l’économiste de la condition animale, Romain Espinosa. Un article de Challenges, signé Nicolas Domenach, a ressurgi à l’occasion de la nomination de Marc Fesneau. L’homme, amateur de chasse au fusil et de tir à l’arc y dénonçait les "fous dangereux écolos", les "végan et antispécistes, ceux qui comparent les élevages de poulets à des camps de concentration SS" et qui vont aller "emmerder les chasseurs, les pêcheurs à la ligne ou les éleveurs qui n’en peuvent plus de voir leurs brebis dévorées par les loups".
Opposé aux mesures de bien-être animal
En février dernier, le député Matthieu Orphelin s’était offusqué de l’organisation de "chasses de la République" au château de Chambord auxquelles participaient plusieurs patrons d’entreprise, des sportifs mais aussi des hommes politiques. Le député réclamait la liste des noms des parlementaires invités à ces évènements. Or, comme le note le journal 20 minutes, l’ancien ministre François Baroin a révélé dans un livre sorti en 2019 avoir participé à cette journée chasse avec Marc Fesneau et d’autres parlementaires.
Mais ce sont surtout les votes en tant que député du désormais ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire qui sont pointés du doigt. A plusieurs reprises, l’élu s’est opposé à des propositions contre la maltraitante animale comme l'interdiction totale des élevages de poules pondeuses en cage, l'interdiction de la castration à vif et de la coupe des queues des porcelets… L’observatoire Politique et animaux l’a ainsi affligé d’un 1,3 sur ces sujets. Une "grosse erreur de casting" pour le président de la Fondation Brigitte Bardot, Christophe Marie.
Défenseur de la "vocation nourricière" de l'Europe
En attendant, la tâche du nouveau ministre s’annonce difficile. Il hérite d'un ministère aux contours revisités par la guerre en Ukraine qui a imposé au rang des priorités la souveraineté alimentaire. Un sujet au cœur de "l'indépendance" agricole qu'il défendait récemment au Salon de l'agriculture, dans les pas de son prédécesseur, ardent défenseur de la "vocation nourricière" de la France et de l'Europe. Alors que plus de la moitié des 400 000 agriculteurs français sont susceptibles de prendre leur retraite d'ici à cinq ans, l'accès à la terre sera une des priorités du ministère avec la lutte contre l'artificialisation des sols agricoles et la transition agroécologique.
"C'est quelqu'un que nous connaissons bien, un élu de la ruralité (...) toujours investi et apprécié", a dit à l'AFP la présidente de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, Christiane Lambert, se réjouissant du libellé du ministère qui intègre désormais la "souveraineté alimentaire", un thème "plus que jamais capital" dans le contexte post-Covid et de la guerre en Ukraine. "Nous l'attendons sur trois grands enjeux: le revenu des agriculteurs, le changement climatique, les attentes sociétales (moins de pesticides, plus de bien-être animal), auxquels s'ajoute le besoin de produire", a réagi Sébastien Windsor, président des Chambres d'agriculture, dont le nouveau ministre fut membre.
Marina Fabre Soundron @fabre_marina avec AFP