Publié le 28 août 2018

ENVIRONNEMENT

Les industriels ne pourront pas commercialiser les "nouveaux OGM" en toute impunité

C'est un coup dur pour les gros semenciers comme Monsanto ou BASF. La Cour de justice européenne a reconnu, fin juillet, que les nouveaux OGM étaient bien des OGM, comblant ainsi un vide juridique qui permettait à ces grands groupes de développer des OGM grâce à de nouvelles techniques, comme CRISPR-Cas 9, sans avoir à les étiqueter et les tracer comme tels.

Les "OGM cachés" devront désormais répondre aux mêmes exigences d'étiquetage et de traçabilité que les autres OGM.
Pixabay

Les nouveaux OGM doivent être considérés comme des OGM. Voilà ce qu’a décidé la Cour de Justice européenne fin juillet, après un recours devant le conseil d’État français de Confédération paysanne et huit autres associations. Cet arrêt, anodin à première vue, vient pourtant d’ébranler le monde de l’agroalimentaire. Pour les gros semenciers comme Monsanto, Bayer, ou DowChemical, c’est la douche froide.

Pourquoi ? Parce que depuis des années ils utilisent un vide juridique pour développer et commercialiser des "OGM cachés" dont la très prometteuse technique CRISPR. Contrairement aux OGM réglementés conçus en insérant un gène extérieur, la CRISPR-Cas 9 permet de modifier un génome sans y insérer d’ADN étranger. Or, lorsque la directive européenne de 2001 réglementant les OGM a été définie, ces nouvelles techniques n’existaient pas.

Les nouveaux OGM devront être étiquetés et tracés 

Désormais, dès qu’un semencier voudra commercialiser les produits issus d’un nouvel OGM, il devra donc suivre la procédure classique. "Il est essentiel que les fruits de ces "nouvelles techniques de sélection végétale" soient soumis aux mêmes exigences d’étiquetage et d’évaluation d’impact que les OGM existants", souligne l’eurodéputée des Verts, Michèle Rivasi. Or un produit estampillé OGM est plus difficile à vendre aux consommateurs.

"L’Europe va abandonner le leadership en matière de recherche végétale en se privant ainsi de solutions qui sont pourtant indispensables pour permettre aux agriculteurs de répondre aux grands défis alimentaires et environnementaux du XXIe siècle", dénonce de son côté Franck Berg, Président de l’Union française des semenciers dont Bayer, Monsanto ou encore BASF font partie.

Monsanto parie sur ces nouvelles techniques 

Il faut dire que les semenciers ont parié sur ces nouvelles techniques. En 2017, Monsanto, qui vient d’être racheté par Bayer, a ainsi acquis les droits d’exploitation de Crispr-Cas 9 et investit dans Pairwise, startup qui développe du maïs, coton, colza, modifié par Crispr. L’avantage de cet outil moléculaire : son faible coût et sa précision, assurent les semenciers.

"Crispr-Cas 9 est présenté comme des ciseaux génétiques d’une grande précision. Il est précis à l’endroit où les scientifiques l’ont modifié. Mais il a des répercussions dans tout le génome et des effets non souhaités dont on ne mesure pas encore les risques", assure Christian Berdot des Amis de la Terre. "Les semenciers espéraient -surtout depuis la décision des États-Unis fin mars de ne pas réglementer ces nouveaux OGM- pouvoir imposer aux citoyens européens leurs nouvelles plantes modifiées génétiquement sans besoin d'autorisation, d'étiquetage, de traçabilité ni d'évaluation des risques. Mais la Cour de justice a freiné leurs ambitions".

Les plantes "Roundup Ready" concernées

Sont aussi concernées par l’arrêt de la Cour de Justice européenne les plantes rendues résistantes aux herbicides obtenues sans transgénèse. Comme le maïs Roundup Ready par exemple, une variété qui résiste à l’épandage de Roundup, herbicide phare de Monsanto. Les associations demandent de suspendre immédiatement ces cultures.

"Au bout d’un moment les adventices, les mauvaises herbes, deviennent-elles aussi résistantes à l’herbicide. L’agriculteur, pour s’en débarrasser, n’a pas d’autres choix que d’épandre davantage. Quand ça n’est plus suffisant il doit changer d’herbicide. Et à la fin, plus rien ne fonctionne, il doit donc retourner au désherbage mécanique ! Un comble !", explique Hervé Le Meur d’OGM Dangers.

Si les associations évoquent une "victoire historique", elles savent que la bataille n’est pas terminée. Les semenciers vont peser de tout leur poids pour influencer les décisions à venir. C’est désormais à la Commission européenne et aux États membres de "poser un cadre juridique respectant cette décision", résume la Fondation pour la nature et pour l’Homme. Bruxelles devrait rendre son avis avant la fin de l'année alors que le 22 août elle a délivré de nouvelles autorisations à des OGM tolérants au glyphosate. 

Marina Fabre @fabre_marina 


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