Publié le 14 octobre 2023
ENVIRONNEMENT
Glyphosate : pas de consensus des 27 États-membres sur la réautorisation du pesticide
Les 27 États-membres n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la proposition de la Commission européenne de réautoriser le glyphosate pour dix années supplémentaires. Plusieurs pays, dont la France, se sont abstenus, estimant que les conditions de renouvellement du pesticide controversé n’étaient pas suffisantes. Un nouveau vote devrait cependant survenir en novembre.

@Jean-François Monier / AFP
Partie remise. La Commission européenne avait soumis aux 27 États-membres une proposition pour renouveler la licence du glyphosate pour dix années supplémentaires, après qu’un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) estimait que le niveau de risque ne justifiait pas d'interdire la substance. Mais les représentants des pays européens réunis dans le Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale n’ont pas réussi à atteindre la majorité qualifiée nécessaire pour valider la proposition, soit 15 États sur 27 et 65% de la population européenne.
Plusieurs pays du Sud et de l'Est soutiennent la réautorisation, tandis que l'Autriche et le Luxembourg ont déclaré vouloir voter contre, la Belgique et les Pays-Bas ont indiqué s'abstenir. L’Allemagne s’est également abstenue, en raison des divisions de la coalition au pouvoir à Berlin, de même que la France, insatisfaite de la proposition de Bruxelles. Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, estime que "la proposition telle qu’elle est formulée, dix ans sans conditions, ne correspond pas à la trajectoire décidée par la France". Selon lui, la France entend restreindre l’utilisation du pesticide quand il y a des alternatives.
Restreindre au maximum l’utilisation du glyphosate
La Commission européenne avait pourtant revu sa copie, en réduisant notamment la dose maximale de glyphosate par hectare. "Mais cela ne suffit pas. La proposition est toujours moins-disante par rapport aux mesures mises en place en France", assure Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique.
L’eurodéputé Pascal Canfin, président de la commission Environnement du Parlement européen, ajoute de son coté que le rapport de l’EFSA "laisse suffisamment de zones grises pour créer des interrogations". Il appelle à restreindre au maximum l’utilisation du glyphosate et "à s’en donner les moyens".
Les ONG se sont félicité des hésitations des gouvernements, qui démontrent que le renouvellement sans restriction du glyphosate ne peut pas atteindre de consensus en Europe. Mais pour François Veillerette, porte-parole de Générations futures, "les gouvernements européens doivent réaliser aujourd’hui que le glyphosate ne doit pas, ne peut pas être réautorisé en Europe, tant les preuves scientifiques validées s’accumulent pour montrer sa dangerosité, tant pour la santé que pour l’environnement".
Nouveau vote en novembre
Quelques jours avant le vote, Sabine Grataloup avait révélé avoir obtenu une indemnisation du Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides. Celui-ci reconnaissait donc le lien entre l’épandage de glyphosate par Sabine Grataloup lorsqu’elle était enceinte, et les malformations de son fils. Plusieurs organisations scientifiques ont déjà reconnu le caractère dangereux du glyphosate, qui se retrouve dans plusieurs herbicides dont le Roundup de Monsanto. Il a notamment a été classé en 2015 comme "cancérogène probable" par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé.
Les 27 États membres se réuniront à nouveau sans doute mi-novembre pour un nouveau vote en comité d’appel. S’ils n’arrivent toujours pas à obtenir une majorité qualifiée pour ou contre la réautorisation du glyphosate, la Commission européenne aura alors les mains libres pour prolonger le renouvellement de la licence. D’ici là, les discussions entre les gouvernements européens risquent donc d’être intenses. "La France et l’Allemagne ont eu des discussions assez nourries depuis plusieurs semaines", croit savoir Pascal Canfin, et les deux pays pourraient s’accorder.
Arnaud Dumas avec AFP