Publié le 30 juillet 2014
ÉNERGIE
Transition énergétique : ce que contient le projet de loi
Juste avant la trêve estivale, Ségolène Royal a dévoilé la dernière mouture du projet de loi de programmation de la "Transition énergétique pour la croissance verte". Une présentation en conseil des ministres qui a eu lieu le 30 juillet. La ministre de l’Ecologie assure que cette loi place la France comme "l’un des pays européens les plus engagés" sur le sujet et qu’elle assoit la crédibilité de notre pays comme hôte de la conférence onusienne sur le climat en 2015. Analyse.

© Antonin Amado / Novethic
"C’est une loi de solution et d’actions" sur un sujet "stratégique et majeur pour notre pays et chacun des citoyens". Par ces mots, prononcés en introduction de la présentation du texte, Ségolène Royal a souhaité souligner l’importance de la loi de programmation sur la transition énergétique.
Un texte de compromis qui a dû "rassembler et rapprocher des points de vue très différents", a déclaré la ministre de l’Environnement. La synthèse n’a, de son propre aveu, pas été facile à réaliser. Les divergences entre acteurs économiques et associations environnementales, mises au jour lors du Débat national sur la Transition énergétique, se sont notamment retrouvées dans les avis des instances consultatives: Conseil national de la transition écologique (CNTE), Conseil économique, social et environnemental (Cese) ou Conseil national de l’Industrie.
Les six semaines qui se sont écoulées depuis la présentation de l’avant-projet ont donc servi à trouver un terrain d’entente. Les arbitrages entre ambition climatique, réduction de la facture énergétique, maintien de compétitivité des entreprises et réduction de la précarité énergétique des plus modestes ont été ardus.
Le projet sera présenté en septembre à une commission spéciale de 70 membres et examiné par les députés début octobre.
Les objectifs
Les objectifs inscrits dans le projet de loi sont indéniablement ambitieux :
- Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% entre 1990 et 2030 et les diviser par 4 (facteur 4) d’ici 2050.
- Réduire la consommation énergétique finale de 50% en 2050 par rapport à 2012. Baisser la consommation énergétique de l’économie française d’au moins 2,5 % par an d’ici 2030.
- Réduire la consommation d’énergies fossiles de 30% en 2030 par rapport à 2012.
- Porter la part du renouvelable à 32% de la consommation énergétique en 2030.
Les mesures
- Le bâtiment
C’est le premier secteur mis en avant par le projet de loi. Il s’agit de renforcer les économies d’énergie en rénovant 500 000 logements existants et en promouvant les bâtiments à énergie positive ; des bâtiments qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment. Cela passera à la fois par une obligation d’isolation lors des gros travaux et par la mise en place de mesures incitatives.
Dès le mois de septembre, le crédit d’impôt développement durable permettra aux particuliers de se voir rembourser jusqu’à 30% du montant des travaux de rénovation énergétique. Alors que les banques étaient jusque-là très réticentes à accorder des prêts à taux zéro (PTZ), pour de tels travaux réalisés par des artisans reconnus garants de l'environnement (RGE) "elles se sont engagées à déployer 100 000 PTZ" lors de la Conférence bancaire et financière, a assuré la ministre.
Enfin, à la demande de multiples acteurs du secteur, la loi doit également autoriser les collectivités locales à avancer le coût des travaux aux particuliers via des sociétés dites de "tiers financement" et réformer le système des certificats d’économie d’énergie (CEE). Une tâche qui incombera aux Régions, affirme Ségolène Royal. Des mesures qui, espère la ministre, contribueront à faire baisser la facture énergétique, notamment pour les plus modestes via les chèques énergie par exemple, et à multiplier les commandes et donc l’emploi dans le secteur (au moins 75 000 attendus).
- Les transports
La phase de consultation a permis d’élargir les dispositifs, initialement centrés sur les voitures électriques, à l’ensemble des véhicules propres. L’Etat devra donc remplacer au moins un véhicule sur deux par un modèle propre.
Les particuliers pourront quant à eux bénéficier d'importants bonus écologiques à l’achat comme à la location longue durée. Jusqu’à 10 000 € pour délaisser leur vieux diesel. 7 millions de bornes de recharges seront également installées sur tout le territoire.
En revanche, le projet de loi est moins précis sur les transports collectifs ou sur les mesures de réduction de la consommation à travers le covoiturage notamment. Un pan du texte est également dédié à la baisse des émissions de particules et à l’amélioration de la qualité de l’air, avec des zones à circulation automobile restreinte.
- Les énergies renouvelables
Pour développer les énergies renouvelables, le projet de loi mise beaucoup sur la simplification des procédures. C'est le cas des projets éoliens, qui devraient être facilités avec une simplification de la procédure qui rendait extrêmement longue et complexe la création d’un parc.
Il faudra désormais une seule autorisation administrative, ce qui pourrait permettre de montrer un projet en 2 ans. "Nous avons sécurisé et stabilisé les mécanismes de soutien et de financement des énergies renouvelables pour que les entreprises puissent investir et innover. Et bien se positionner sur le marché mondial", a assuré la ministre.
- Le nucléaire
Malgré de nombreuses divergences sur la question, mais conformément à la promesse de la campagne présidentielle, le projet de loi fixe bien la part du nucléaire à 50% de la production d’électricité à horizon 2025.
Le Conseil d’Etat a validé le plafonnement de la production d’électricité d’origine nucléaire à 63,2 GW. En revanche, l’Etat devra négocier avec EDF pour toute fermeture d’un ou plusieurs réacteur(s). Une bonne part du traitement de la question nucléaire dans le texte est en fait réservée au renforcement de la sûreté et de l’information des citoyens.
- Les déchets
Le projet de loi aborde la question de l’économie circulaire mais quasi exclusivement sous l’angle des déchets. Ceux-ci sont appelés à devenir de nouvelles matières premières pour produire de l’énergie, notamment grâce au développement de projets de méthanisation (1 500 en milieu rural). Un appel à projets national est également lancé pour créer des villes et territoires "zéro gaspillage, zéro déchet".
- Les régions
La territorialisation de la transition énergétique est un enjeu majeur pour la ministre, ancienne présidente de la région Poitou-Charentes. Les bonnes pratiques des collectivités sont mises à l’honneur. Un partenariat entre l’Etat et les régions est d’ailleurs prévu pour mettre en place les différentes mesures. Les collectivités bénéficieront également du prêt long terme "transition énergétique et croissance verte" de la Caisse des dépôts et consignations et un fonds spécial de 1,5 milliard d’euros sera dédié aux appels à projets pour 200 territoires à énergie positive.
Le financement
Pour le financement de cette transition, l’Etat mettra de sa poche 10 milliards d’euros sur 3 ans sous forme de crédits d’impôts, de chèques, de prêts à taux zéro, etc. C’est bien moins que les estimations de l’ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), qui chiffraient les besoins dans une fourchette de 10 à 30 milliards d’euros… annuels !
La ministre assure que l’investissement public fera effet de levier pour les investissements privés. Pour Ségolène Royal, il s’agit de faire preuve "d’imagination". Elle affirme aussi que "l’ingénierie financière" devra être mise à contribution, sans donner plus de précisions sur la question. Les acteurs de la conférence bancaire et financière, chargés de plancher sur le sujet, doivent rendre leur copie à la ministre à la mi-septembre.