Publié le 20 décembre 2022
ÉNERGIE
Traité sur la charte de l'énergie : le gouvernement français mis sous pression pour un retrait coordonné au sein de l'Union européenne
La France vient de notifier officiellement son retrait du Traité sur la charte de l'énergie (TCE), un accord accusé de bloquer la transition énergétique. Une vingtaine d'organisations appelle désormais le gouvernement à travailler sur un retrait coordonné de l'Union européenne. La modernisation du traité doit faire l'objet d'un vote en avril prochain, l'objectif est de réussir à obtenir une majorité qualifiée d'ici là. Explications.

KENZO TRIBOUILLARD / AFP
"Retirer la France du Traité sur la charte de l’énergie (TCE) c’est bien, en sortir conjointement et de façon coordonnée à l’échelle de l’Union européenne, c’est mieux". Voilà le message que souhaite faire passer une vingtaine d’organisations françaises de la société civile, parmi lesquelles Attac, le Collectif Stop CETA-Mercosur ou encore France Nature Environnement, dans une lettre ouverte envoyée à Emmanuel Macron et au gouvernement français. Le 21 octobre dernier, le président français, sous pression depuis plusieurs mois, avait annoncé sa décision de se retirer du TCE.
Signé en 1994, à la sortie de la guerre froide, par une cinquantaine de pays parmi lesquels tous les États de l’Union européenne, les pays de l’ancien bloc soviétique, le Japon, le Yémen ou encore l’Afghanistan, le texte visait à faciliter les relations énergétiques dans l’ensemble du continent eurasien. Mais il est régulièrement contesté car il donne la possibilité aux multinationales et aux investisseurs d’attaquer en justice les gouvernements dès lors que ces derniers modifient leurs politiques énergétiques dans un sens contraire à leurs intérêts. La France a ainsi été poursuivie pour la première fois par un investisseur allemand en septembre dernier.
"Un retrait conjoint et coordonné, en plus d'être nécessaire, est possible"
Selon des informations révélées par le quotidien Le Monde, la France vient de notifier officiellement son retrait, qui deviendra effectif dans un an, au 1er janvier 2024. L’Hexagone devient ainsi le second pays à sortir du traité, après l’Italie en 2016. Mais une clause dite "de survie" veut que les États continuent d’être soumis aux dispositions du traité pendant une période de vingt ans à compter du moment où le retrait prend effet, soit donc jusqu’en 2044... C’est pourquoi les ONG réclament un retrait collectif et appellent le gouvernement français à œuvrer en ce sens.
"Un tel retrait conjoint et coordonné, en plus d'être nécessaire, est possible. Avec le retrait déjà effectif de l'Italie et les retraits annoncés des Pays-Bas, de l’Espagne, de la Pologne, de la Slovénie, de l’Allemagne et du Luxembourg, soit plus de 70% de la population européenne, et sans compter les retraits supplémentaires qui pourraient encore être annoncés, il est désormais envisageable de construire une majorité qualifiée d’États membres de l'UE", écrivent-elles dans leur lettre ouverte.
C’est aussi la recommandation du Haut conseil pour le climat, qui a publié un avis sur le sujet le 19 octobre. "Un retrait coordonné du TCE de la part de la France et de l’UE apparaît comme étant l’option la moins risquée pour respecter les engagements nationaux, européens et internationaux sur le climat", indiquent les auteurs. Les eurodéputés ont également voté jeudi 24 novembre une résolution demandant un retrait conjoint et coordonné de l'UE du traité.
La Commission européenne de plus en plus isolée
Quelques jours auparavant, le 22 novembre, la modernisation du traité n’avait pas pu être entérinée comme prévu, en raison du blocage de la réforme par plusieurs pays européens pour des raisons environnementales. Ce blocage a poussé la Commission européenne à demander que le sujet soit retiré de l'ordre du jour, la validation de la réforme nécessitant un vote à l’unanimité. Le vote a été reporté à avril 2023.
Le gouvernement français a donc quelques mois devant lui pour convaincre d’autres pays de rejoindre le mouvement et infléchir la position de la Commission européenne qui, jusqu’ici, soutient la modernisation du TCE. Une position de plus en plus difficile à tenir alors même que son vice-président, Frans Timmermans, chargé du Green Deal mais pas du TCE, a déclaré dans un entretien au Monde fin novembre qu’il était "chaque jour plus difficile de justifier la participation des Européens à ce traité".
Concepcion Alvarez @conce1