Publié le 17 septembre 2021

ÉNERGIE

Traité sur la charte de l'énergie : la cour de justice européenne veut protéger la transition énergétique des États

La Cour de justice de l'Europe a tranché. Non, le mécanisme permettant à un investisseur d'attaquer un État sur sa politique climatique n'est pas applicable. C'est une victoire pour les organisations environnementales. Peu connu, le Traité sur la charte de l'énergie est accusé aujourd'hui de "protéger les pollueurs". L'avis pourrait influer sur l'issue des procès en cours et permettre à terme des politiques de transition énergétique plus ambitieuses.

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Alors qu'un cycle de négociations s'ouvrait à Bruxelles pour faire évoluer le TCE, des militants écologistes se sont mobilisés pour demander une sortie de l'Union européenne du Traité.
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La décision pourrait faire date. Dans un avis rendu le 2 septembre, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé qu’un investisseur européen ne pouvait pas attaquer un État sur sa politique climatique en s’appuyant sur le Traité sur la Charte de l’Energie (TCE). Initialement conçu à la sortie de la guerre froide pour protéger et donc faciliter les investissements dans le secteur de l’énergie au sein des pays considérés à risque, comme ceux de l’ex-URSS, il permet aujourd’hui aux acteurs de l’industrie fossile de contester la politique de sortie des énergies polluantes menées par les États.

L’avis du CJUE a été rendu dans le cadre de l’affaire opposant la Moldavie à la société Komstroy. La Cour de justice a estimé que le dispositif de règlement des différends entre investisseurs et États établi par le Traité n’est pas "applicable" au sein de l’Union européenne. Cet avis s’ajoute à l’arrêt Achmea de 2018, qui stipule que ce système d’arbitrage entre investisseurs et États est incompatible avec le droit de l’Union européenne.

Un impact sur la portée du Traité

S’il ne s’agit que d’un avis qui doit être confirmé par une décision juridique pour être appliqué et généralisé, cette décision pourrait néanmoins avoir une répercussion importante sur la portée du Traité. "En octobre 2020, sur les 134 poursuites engagées au nom du TCE, environ les deux-tiers étaient intra-européennes", détaille Maxime Combes, économiste d'Attac France sur les enjeux énergétiques. L’énergéticien RWE a par exemple confirmé en février sa décision d’attaquer les Pays-Bas pour sa politique de sortie du charbon, et demande des milliards d’euros de compensation. En 2016, l’Italie a elle aussi été attaquée par la compagnie pétrolière et gazière Rockhopper Exploration suite à un refus d'attribution d'une concession de forage sur les côtes de l’Adriatique. 

Cet avis pourrait également faire émerger des politiques énergétiques plus ambitieuses. En France, la menace du TCE brandit par l'entreprise pétrolière Vermilion a contribué à amoindrir la loi Hulot de 2017 qui devait permettre de réduire progressivement l’extraction d’hydrocarbures en interdisant la prolongation des concessions existantes.

Pour le collectif Stop Tafta, qui lutte pour une sortie commune de l’Union européenne du Traité, cet avis du CJUE est une victoire. "Du point de vue de l’urgence climatique, les pouvoirs publics doivent en effet pouvoir prendre toutes les mesures qu’ils jugent légitimes sans craindre d’être poursuivis devant une justice parallèle favorable aux intérêts des investisseurs dans les énergies fossiles" estime le Collectif sur son site Internet. En juillet 2021, 400 organisations de l’Union européenne appelaient les États membres à sortir du TCE avant la COP26. Si l'économiste l'espère lui aussi, il estime cette issue "peu probable" compte tenu des négociations actuelles.

Pauline Fricot, @PaulineFricot 


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