Publié le 26 mai 2015
ÉNERGIE
Loi de transition énergétique : un texte aux ambitions retrouvées
Après des mois de tractations entre l’Assemblée nationale et le Sénat, le projet de loi sur la transition énergétique pour une croissance verte a été voté ce mardi par les députés en deuxième lecture. Le texte, qui avait été largement remanié par les sénateurs lors de la première lecture, retrouve ses ambitions initiales, notamment sur la réduction progressive de la part du nucléaire d’ici 2025. Des mesures sur le gaspillage alimentaire ont également été ajoutées.

Aurélien Morissard / CITIZENSIDE
920 amendements avaient été déposés avant le passage du projet de loi devant le Sénat en première lecture, au mois de mars dernier. Mais c’est finalement à un texte très proche de la première version adoptée à l’Assemblée en première lecture, en octobre 2014, que les députés ont donné leur feu vert ce mardi.
Principal point de crispation : le nucléaire. D’abord concernant la réduction de la part de l’atome dans le mix électrique français, qui avait été mise à mal lors de la première lecture. Finalement, la promesse du président François Hollande de ramener de 75% à 50% la part du nucléaire dans la production d’électricité "à horizon 2025" et non pas "à terme" comme l’avait reformulé le Sénat, majoritairement à droite, est actée par les députés.
Toujours sur la question du nucléaire, le plafonnement du parc est finalement bien maintenu au niveau actuel, soit 63,2 gigawatts, donc en-dessous de celui souhaité par les sénateurs (64,8 gigawatts). Une disposition qui aurait permis à EDF de maintenir l’activité de sa centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), tout en lançant l’EPR de Flamanville (Manche).
Sur la question de la réduction de la consommation énergétique, le palier de 30% d’ici 2030 (par rapport à 2012) a été réinstauré. Cela devrait permettre à la France de se mettre sur les rails pour atteindre l’objectif de réduction de la consommation de 50% en 2050.
"Pas de mesures assez fortes sur les transports" selon les ONG
"Il était primordial que ces objectifs structurants soient réintégrés, c’est donc un point positif", réagit Anne Bringault du Collectif des Acteurs en transition énergétique, qui rassemble plus de 200 organisations. "En revanche, sur les transports, la loi ne va pas assez loin. Il n’y a toujours aucun élément sur l’étalement urbain, sur le développement du transport collectif ou du fret ferroviaire. Or, le transport est le premier poste d’émission de gaz à effet de serre."
Le nouveau texte prévoit que l’État et les entreprises publiques disposent de 50% de véhicules à faibles niveaux d’émissions, lors du renouvellement de leurs flottes d’engins lourds en 2017. Lorsqu’ils gèrent un parc de plus de vingt autobus/autocars pour assurer des services de transport public, la moitié de la flotte devra être à faible émission en 2020, puis la totalité en 2025.
Par ailleurs, l’obligation de la mise en place d’un plan de mobilité, pour les entreprises d’au moins 100 salariés, est rétablie. Et des tarifs réduits devront être proposés par les sociétés d’autoroutes aux véhicules propres ou en covoiturage.
Mais avec la suppression de l’écotaxe, l’abandon du projet d’autoroute ferroviaire reliant le Pas-de-Calais aux Landes et la remise ce mardi au gouvernement d’un rapport qui préconise la suppression de certaines lignes Intercités, remplacées par des bus, les signaux envoyés ne vont pas forcément vers un transport plus propre.
Le collectif des Acteurs en transition énergétique a mis en place il y a presque un an un Transitiomètre, afin d’évaluer la capacité du projet de loi à atteindre les engagements de la France en matière d’énergie et de climat. L’une de ses plus mauvaises notes est attribuée au secteur du transport (17%). Sur le bâtiment en revanche, le collectif est plus optimiste (35%).
Rénovation énergétique obligatoire en 2025
La rénovation énergétique des bâtiments, c’est l’un des autres grands chapitres de la loi de transition énergétique. L’Assemblée élargit cette obligation à "tous les bâtiments résidentiels privés" dont la consommation énergétique est supérieure à 330 kWh par an et par mètre carré, et non plus simplement aux "logements locatifs du parc privé".
L’échéance a été fixée à 2025, après un compromis trouvé entre les propositions des sénateurs et des députés. Vendredi dernier, Ségolène Royal, la ministre de l’Écologie, s’est réjouie du premier prêt de 400 millions d’euros accordé par la Banque européenne d'investissement (BEI), pour financer la rénovation thermique de 40 000 logements en France, dans le cadre du plan de relance européen dit "Juncker".
Parmi les autres mesures adoptées par les députés, la distance minimale à respecter entre une éolienne et une habitation a été rétablie à 500 mètres, contre 1 000 mètres lors du passage du texte au Sénat. France Énergie Eolienne avait alors estimé qu’une telle disposition rendait impossible la réalisation de 85% des projets de construction d’éolienne.
En revanche, le texte laisse la possibilité au préfet de relever cette distance sur la base de l’étude d’impact. "C’est vraiment dommage", estime Anne Bringault. "Cela rajoute un niveau de décision à un moment où le projet est bien avancé, ça risque d’en bloquer certains."
Des mesures contre le gaspillage alimentaire
Une avancée majeure a également été obtenue sur le plan du financement d’une économie bas-carbone. Les députés ont en effet rendu obligatoire le reporting environnemental à tous les investisseurs institutionnels. Et ce dès 2016. Ils vont devoir mesurer l’empreinte carbone de leurs actifs mais aussi la part des investissements qui permettent de réduire les émissions de CO2. "La France est la première à obliger ceux qui gèrent notre épargne à rendre publiques les conséquences de leurs investissements pour le climat", s’était réjoui Pascal Canfin, l’ancien ministre du Développement.
Enfin, un bloc de mesures concernant le gaspillage alimentaire a également été ajouté. Fait rare, elles ont été adoptées à l’unanimité en seconde lecture, la semaine dernière à l’Assemblée. Elles interdisent aux distributeurs de rendre leurs invendus impropres à la consommation, et obligent les grandes surfaces de plus 400 m² à signer une convention avec une association caritative pour faciliter les dons, sous peine d'encourir une amende de 75 000 euros et deux ans d’emprisonnement.
Au moment où les sénateurs se sont penchés sur le projet de loi, le collectif des Acteurs de la transition énergétique avait établi "six lignes rouges à ne pas franchir pour éviter une loi au rabais". Si aucune d’entre elles n’a été franchie, le Transitiomètre du collectif place seulement à 32% la capacité du texte à tenir les engagements de l’État.
Un texte qui va encore repasser devant les sénateurs à partir du 29 juin, pour un vote définitif à l’Assemblée à la rentrée au plus tard, avant que la France n’accueille la COP21 en décembre.