Publié le 7 mars 2019
Annonciateur, peut-être, d'un avenir plus vert, le véhicule autonome pourrait aussi se révéler un leurre environnemental, faute d'anticipation, selon des chercheurs. Le poids des données générées par ces véhicules est en particulier à prendre en compte.

Moteur électrique, utilisation partagée, conduite plus économe que celle de l’automobiliste moyen… L’émergence en cours de la voiture autonome, qui prend une belle place dans les allées du salon de l’automobile de Genève, porte en elle une mutation large du monde du transport. En particulier, on attend de lui une moindre pollution atmosphérique, du fait d’un désencombrement des villes. Pourtant, l’équation n’est pas si simple.
Selon le cabinet de conseil AT Kearney, qui a interrogé 150 cadres d’industries concernées, "la consommation énergétique devrait être réduite de 30 %, grâce aux sources d’énergie alternatives mais aussi parce que les véhicules communiqueront, assurant la fluidité du trafic". Et puis, "posséder la voiture perdra en pertinence, au profit des services de partage".
"Dans les 10 à 15 prochaines années, l’essentiel de l’utilisation du véhicule autonome sera commercial" : robots-taxis et navettes à la demande, décrit Xavier Mosquet, du cabinet BCG et co-auteur pour la France d’un rapport sur la voiture du futur. Dans un premier temps au moins, au vu de son coût, la voiture du particulier restera "marginale".
Le poids de 3 000 internautes
À terme, "l’utilisation la plus vertueuse sera le partage", dit cet expert à l’AFP. En revanche il ne faudrait pas que ces nouvelles mobilités supplantent les autres transports en commun, prévient-il, relevant que c’est "une préoccupation". Selon l’Institut du développement durable (Iddri), "l’autonomie est loin d’être une baguette magique pour la mobilité durable".
Parmi les incidences du véhicule sans chauffeur, il y a l’empreinte, en consommation d’énergie et matières premières, de l’électronique embarquée. La conduite automatisée consacre le règne du numérique : algorithmes, capteurs, radars, lasers analysent en temps réel routes et alentours (classification des voies, trafic, parkings, météo, prix de l’essence…). Sans compter, la partie divertissement pour les passagers.
Selon Intel, une heure et demie de conduite autonome devrait générer quatre téraoctets de données, autant que 3 000 internautes en une journée. Un phénomène "nécessitant une énorme capacité de calcul pour organiser, traiter, comprendre, partager et stocker", résume-t-on chez le géant des semi-conducteurs. Cela représente un poids énergétique conséquent à travers l’utilisation des datacenters.

Il ne faut pas non plus sous-estimer l’impact environnemental dû à l’extraction des matériaux nécessaires au numérique (cobalt, palladium, cuivre, tungstène…). Les études manquent sur le cycle de vie du véhicule autonome, mais, à titre de comparaison, trois quarts des impacts environnementaux d’un smartphone sont dus à sa fabrication, plus qu’à son usage.
Étalement urbain
Interrogé par l’AFP, Nissan, par exemple, ne répond pas précisément à la question du poids du numérique. "Nous œuvrons pour réaliser notre vision d’un monde à zéro émission et zéro victime (de la route), et croyons que les technologies de conduite autonome joueront un rôle-clé", dit-on chez ce constructeur, qui vise aussi bien l’usage partagé que des modèles accessibles aux particuliers.
Autre inconnu : le risque d’étalement urbain. Les distances deviennent moins contraignantes quand on peut travailler dans sa voiture. "C’est un gros risque, qui inquiète les collectivités", souligne Xavier Mosquet. "Aux États-Unis, dans le passé, les centres-villes se sont vidés. Cela a commencé à s’inverser justement à cause de la circulation. Le véhicule autonome pourrait de nouveau pousser à cela".
Ludovic Dupin avec AFP

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