Publié le 08 juillet 2014

ÉNERGIE

La Chine fait barrage aux émissions de particules fines

La Chine a choisi : l’hydraulique sera la solution pour réduire ses émissions record de CO2 et de particules fines. La construction du plus grand barrage du monde est prévue sur le fleuve Yarlung Tsangpo, appelé Brahmapoutre quand il passe la frontière indienne. Aux dépens de l’environnement himalayen, selon les scientifiques.

Yarlung Tsangpo Grand Canyon Tibet hydroelectrique
La "grande courbe" du fleuve Yarlung Tsangpo
© DR

 

 

En mars dernier, le Premier ministre chinois Li Keqiang promettait devant l’assemblée nationale populaire de "faire la guerre à la pollution". Une bonne nouvelle : les nuages de particules se multiplient au-dessus des villes, toute alternative au charbon est bienvenue. L’hydraulique, avec 22% de la production d’électricité du pays en 2012, est la solution préférée des autorités. Les fleuves, cette même année, en fournissaient 6% : ils sont tenus d’en produire 16% dans les quatre ans à venir, selon le dernier volet du plan quinquennal pour l’énergie (2011-2015), publié en 2013.

Près de trois fois plus d’ici à 2020, tandis que les fleuves de l’Est chinois sont déjà saturés. Pour atteindre son objectif, le gouvernement a relancé des projets de barrages controversés dans l’Himalaya. Après le Mékong, c’est le fleuve Yarlung Tsangpo qui est dans le viseur des autorités. Connu en Inde sous le nom de Brahmapoutre, il prend sa source au sud-ouest du Tibet avant de traverser la moitié de la province vers l’est. Dans cette zone, le cours d’eau a formé la plus profonde vallée du monde, que l’on appelle la "Grande courbe". Renforcé par un dénivelé de 2800 m sur 500 km, il y développe une puissance énorme qui n’a pas échappé aux ingénieurs chinois.

 

La plus grande centrale hydroélectrique du monde

 

Au total, il serait prévu de construire 13 barrages sur le Yarlung Tsangpo, pour une puissance de 60 gigawatts. Le premier est déjà en chantier, trois ont été approuvés. Les autres nécessitent des expertises plus poussées. Celui qui attire toute l’attention est un projet titanesque. "Un tunnel qui couperait à travers les méandres naturels du fleuve pourrait transporter 2000 mètres cubes d’eau par seconde, avec un dénivelé de 2800m: assez pour alimenter une station hydroélectrique de 50 gigawatts", affirme le géologue indépendant Yang Yong, sur un site spécialisé. C’est plus de deux fois la production du gigantesque barrage des Trois-Gorges, au centre de la Chine. D’après les informations parues dans la presse chinoise, le projet devra attendre le développement des infrastructures (routes et lignes électriques) qui permettront sa réalisation.

 

Les informations environnementales classées secret d'Etat

 

Ces projets présentent des risques pour l'environnement, des scientifiques le confirment. Des forêts primaires pourraient être submergées par les barrages et perturber l’habitat naturel d’espèces rares. Edward Grumbine, spécialiste de la biodiversité, chercheur invité à l'Institut de botanique de l'université de Kunming, a calculé que des réalisations similaires en Inde risquaient d’entrainer l’extinction de plus d’une vingtaine d’espèces animales et végétales. "Mais sur le Yarlung, il est impossible d’évaluer quoi que ce soit, puisque l’emplacement des barrages n’a pas été rendu public, déplore-t-il. Sur le papier, la Chine doit conduire des enquêtes, mais bien souvent les conclusions ne sont pas publiées. C’est particulièrement le cas pour un fleuve transfrontalier : toutes les informations sont tenues secrètes sous prétexte de 'sécurité de l’Etat'."

Même constat pour Wang Yongchen, la fondatrice de l’association "Green earth volonteers" qui  surveille l’état des rivières à travers la Chine. "Quand nous organisons des visites de sites endommagés avec des journalistes, les autorités locales essaient parfois de nous empêcher d’y accéder." Selon elle, le Yarlung est un écosystème particulièrement fragile. "L’Himalaya est une chaîne de montagne jeune et les gorges du Yarlung sont encore en formation. Elles ont besoin d’évoluer à leur guise." Au cours de ses visites sur d’autres rivières, la journaliste à la retraite a pu constater de nombreux glissements de terrain sur les rives des fleuves barrés.

 

Guerre de l’eau

 

Les gigantesques retenues d’eau augmentent aussi l’activité sismique. Dans la région des Trois-Gorges, les tremblements de terre de faible ampleur ont été multipliés par 30 après la construction du plus grand barrage du monde, sur le fleuve Yang Tze. C’est une étude officielle qui le rapporte. Les autorités ont également admis qu'il existait un lien entre le barrage et la baisse du débit du fleuve.

En aval du Yarlung, ce sont les voisins indiens et bangladais qui redoutent la sécheresse. Le Brahmapoutre est essentiel à l’agriculture, notamment dans la région de l’Assam, qu’il arrose et fertilise de son limon. La Chine se défend en arguant que la plupart des ouvrages seront des barrages "au fil de l’eau", c’est-à-dire sans retenue importante. En bout de chaîne, le Bangladesh se sent pris dans un étau, car l’Inde prévoit de construire plus d’une centaine de barrages de tailles diverses sur le fleuve et ses affluents. Le fleuve connaîtra alors l’une des plus grandes concentrations de barrages au monde.

Leo Cirah, correspondant à Pékin
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