Publié le 16 septembre 2015
ÉNERGIE
Énergie solaire : des innovations qui changent la donne ?
Plusieurs innovations récentes devraient inciter les particuliers à produire, voire auto-consommer, de l’électricité photovoltaïque. Loin d’être toujours révolutionnaire sur le plan technologique, son apport consiste parfois à employer au mieux des technologies existantes pour simplifier la vie des utilisateurs ou réduire le prix des équipements. Ou encore à recourir aux outils marketing pour tenter de séduire les consommateurs. Reste à savoir quel succès remporteront ces innovations. Cela dépendra en partie de choix politiques qui façonneront le système électrique de demain.

David McNew / AFP
La start up française DualSun vient de présenter à Tel Aviv son "panneau solaire hybride de nouvelle génération". Elle s’y est rendue aux côtés du ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique Emmanuel Macron, présent en Israël du 6 au 8 septembre à l’occasion du festival de l’innovation DLD. Son panneau hybride permet de produire à la fois de l’électricité photovoltaïque et de l’eau chaude. Il séduit notamment les particuliers, qui ont d’ailleurs représenté la majorité des ventes de DualSun l’an dernier.
"Ces produits sont d’autant plus intéressants que les panneaux photovoltaïques fonctionnent moins bien lorsque leur température augmente. La production d’eau chaude les refroidit en parallèle et améliore donc leur efficacité", constate Vincent Rious, vice-président Régulation de la société de conseil Microeconomix.
Tester le potentiel d'énergie solaire de son toit grâce à Google
Le produit innovant de DualSun a donc de quoi inciter les particuliers à produire de l’électricité solaire. Ces tous derniers mois, plusieurs autres ont été lancés dans le même but. En août, Google a dévoilé le projet Sunroof, qui va d’abord être testé puis commercialisé aux États-Unis, avant d’être proposé, espère le géant du numérique, dans le monde entier.
Le principe : permettre à des particuliers de connaître le potentiel d’énergie solaire de leur toit et les économies à la clé, en n’ayant que quelques données à renseigner sur un site internet. Google emploie pour cela la même technologie d’imagerie que pour Google Earth, son outil de visualisation aérienne.
"Sunroof n’utilise aucune technologie nouvelle, mais c’est un outil très intéressant car simplificateur : il permet aux particuliers d’accéder facilement aux informations", estime Marion Perrin, responsable du service Stockage et réseaux électriques à l’INES (Institut national de l’énergie solaire).
Stocker son électricité dans des batteries stationnaires
A-t-on d’ailleurs avant tout besoin de grandes innovations technologiques dans le photovoltaïque ? "De ce point de vue, il y a déjà largement de quoi faire", souligne Marc Jedliczka, directeur général de l’association du solaire photovoltaïque Hespul. "Les innovations nécessaires sont culturelles, juridiques - il faut un choc de simplification en France ! - et en matière de modèle économique."
Autre lancement récent sans innovation technologique majeure : celui annoncé le 30 avril par Elon Musk, le patron de Tesla. Le spécialiste américain des voitures électriques propose désormais des batteries stationnaires baptisées Powerwall, visant notamment les particuliers. De quoi leur permettre de stocker leur électricité solaire.
La nouveauté ? Un prix plus accessible, trois fois moins élevé que ce qu’attendaient certains analystes. Le modèle 7 kWh est tout de même affiché à 3 645 euros. "Il faut en outre ajouter le prix du convertisseur DC/AC (courant continu/courant alternatif), soit environ 1 000 euros, de l’installation et du système de gestion de l’énergie dans l’habitat", précise Marion Perrin.
Pour aider les utilisateurs à savoir si le jeu en vaut la chandelle pour eux, Bruce Lin, un ingénieur, a conçu un calculateur de retour sur investissement sur son blog Catalytic Engineering.
Mais avec la Powerwall, l’innovation réside surtout dans le marketing. Un élément à ne pas négliger selon Vincent Rious : "Tesla entend faire de la Powerwall un produit d’exposition à montrer dans l’entrée de sa maison".
Certes moins facile à placer dans l’entrée, "un véhicule électrique peut permettre de se passer d’une batterie de type Powerwall et contribuer de même à la gestion énergétique de la maison", estime Marion Perrin.
Le stockage à grande échelle, solution d'avenir
Du coup, tous les habitants de maisons stockeront-ils demain leur propre électricité ? "Dans 20 ans, je pense que l’énergie sera beaucoup plus décentralisée. En fait, l’énergie sera individualisée et chacun pourra monitorer et optimiser le type de ressource en amont", a déclaré Emmanuel Macron lors de son déplacement à Tel Aviv. Pour Marion Perrin, le développement de l’autoproduction/autoconsommation est d’ailleurs "inéluctable car le prix des équipements devient de plus en plus compétitif".
Un avis que ne partage pas Marc Jedliczka. Selon lui, l’avenir ne réside pas dans les solutions de stockage individuelles mais à plus grande échelle. "Lorsque la part du solaire dans la production électrique sera bien plus importante, les besoins de stockage seront inter-saisonniers, explique-t-il. Les solutions utilisées seront alors des stations de pompage-turbinage ou du power-to-gas (transformation de l’électricité excédentaire en hydrogène, lequel pourra ensuite être injecté dans les réseaux gaziers)".
Pour ce qui est de la seule production individuelle d’électricité photovoltaïque, Marc Jedliczka n’y voit pas non plus le modèle d’avenir. Car d’après lui, l’habitat va évoluer de plus en plus vers des formes collectives, au détriment de la maison.
"Je pense que les évolutions seront différentes selon les pays et leurs choix politiques. L’Allemagne a par exemple mis en place des soutiens financiers incitant les particuliers à investir dans une batterie. C’est le seul pays à l’avoir fait à ce jour en Europe", estime de son côté Aurélie Faure Schuyer, chercheuse à l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales).