Publié le 05 février 2020
ÉNERGIE
Le Havre dit adieu au charbon et tente de dessiner un avenir plus vert
Promesse du président Macron, la centrale à charbon du Havre sera la première à fermer ses portes en 2021, avant celles de Saint-Avold, Gardanne et Cordemais. Emmanuelle Wargon, la secrétaire d’État à la transition écologique, vient de signer sur place un Pacte territorial pour dessiner un nouvel avenir dopé aux énergies renouvelables. Les salariés de la centrale, eux, ont boycotté sa venue et déplorent cette fermeture imposée.

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C’est censé être le "dossier" le plus simple pour l’État. Pendant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était engagé à fermer d’ici 2022 les quatre dernières centrales à charbon installées sur le territoire. La première concernée est celle du Havre, propriété d’EDF. Elle devra couper le courant à compter du 1er avril 2021. Pour mieux faire passer la pilule auprès des 160 salariés de la centrale et de ses sous-traitants, le gouvernement est venu avec un plan d’action sous le bras.
Le 13 janvier dernier, Emmanuelle Wargon, la secrétaire d’État à la transition écologique, s’est rendue dans la région pour signer le premier des quatre Pactes territoriaux pour la transition écologique et industrielle (1). Élaboré avec la communauté urbaine Le Havre Seine métropole, le grand port maritime du Havre, la région Normandie, le département de la Seine-Maritime, les acteurs économiques et la société civile, il compte 58 actions et prévoit 420 millions d’euros d’investissements publics et privés.
"Territoire de référence dans l'économie verte"
Sur le papier, le projet est alléchant. "L’ambition est de devenir un territoire de référence en matière d’économie verte et de transition industrielle, reposant sur des filières d’excellence et d’innovation, créatrices d’emploi et de valeur ajoutée." Siemens prévoit notamment d’implanter une usine pour la fabrication de pales d’éoliennes en mer, l’assemblage de nacelles. La société Éoliennes offshore des Hautes Falaises va démarrer une activité de fabrication des fondations gravitaires pour éoliennes. Deux sites qui représenteront à eux seuls 750 emplois, selon la secrétaire d’État.
"Nous faisons passer le site du Havre d’un site électrique à charbon à un site phare dans la filière industrielle de production d’électricité à partir du vent avec les éoliennes offshores. On recrée des emplois. On voit bien que l’on est dans une transition d’une industrie polluante vers une industrie des énergies renouvelables", explique Emmanuelle Wargon dans les colonnes de Paris-Normandie. Le Pacte prévoit également le développement de réseaux de chaleur urbains, la valorisation du patrimoine naturel, le développement d'une mobilité propre et d'une agriculture locale.
"Ma vie est au Havre"
"C’est un pacte pour le territoire mais pas pour les personnes", réagit Frédéric Guérin, secrétaire général de la CGT à la centrale du Havre. "Ici, tout le monde est écœuré par cette fermeture imposée. La tranche 4 avait fait l’objet d’une modernisation en 2014, notre avenir était tout tracé jusqu’en 2035", déplore ce salarié de 55 ans, qui travaille depuis 30 ans chez EDF. L’entreprise propose un reclassement en interne pour les salariés mobiles, mais les centrales nucléaires les plus proches, à Paluel ou à Penly (Seine-Maritime), sont à plus d’une heure de route.
Si certains pourront compter sur la retraite anticipée, d’autres envisagent carrément de démissionner. C’est le cas de ce trentenaire, qui a débuté sa carrière à la centrale du Havre. "La seule proposition d’EDF concerne les personnes mobiles mais pour les autres, il n’y a rien. Ma vie est ici, j’envisage donc de quitter le groupe. C’est un gros sacrifice mais je n’ai pas le choix. On évoque des passerelles avec Siemens mais pour l'instant, il n'y a aucune passerelle et l'usine n'est même pas encore construite."
Du côté d’EDF, on assure être "très attentif à ce que chaque collaborateur construise un projet répondant à la fois à ses motivations professionnelles et à ses aspirations personnelles", à l’instar de ce qui s’est passé pour les précédentes fermetures de centrales. Entre 2012 et 2015, le groupe a fermé dix unités et reclassé les 800 salariés concernés. Pour les sous-traitants les plus touchés au Havre – ils seraient 90 salariés – un accompagnement et des cellules de reclassement via un financement dédié sont prévus dans la loi Énergie-Climat. Le dispositif sera précisé par ordonnance en mai prochain.
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Voir le Pacte territorial du Havre