Publié le 15 novembre 2017
ÉNERGIE
Les assureurs renoncent de plus en plus au charbon... mais peuvent encore mieux faire
Les assureurs jouent un rôle clé dans le développement des nouvelles centrales à charbon prévues dans le monde. Ceux-ci ont désinvesti 20 milliards de dollars du secteur. Parmi les meilleurs élèves, on trouve Swiss Re, Zurich Assurances, AXA et Scor. Mais du travail reste à faire : depuis 2015, Axa a tout de même engagé 848 millions de dollars dans des entreprises charbonnières.

Après les banques, les ONG s’attaquent désormais aussi aux assureurs. Avec 31 000 milliards de dollars d’actifs, ils sont le premier groupe d’investisseurs institutionnels dans le monde. Et contribuent largement aux financements des nouvelles centrales à charbon. Un nouveau rapport, publié ce mercredi 15 novembre par UnfriendCoal (1), révèle que 15 assureurs mondiaux ont désinvestis environ 20 milliards de dollars en actions et obligations de sociétés charbonnières et pour certains ont aussi réduit les couvertures d'assurances pour les projets liés au charbon.
Les meilleurs élèves sont Swiss Re et Zurich Assurances, suivis de près par AXA et Scor. "Si les compagnies d'assurances cessent de couvrir les nombreux risques naturels, techniques, commerciaux et politiques des projets liés au charbon, il deviendra impossible d'ouvrir de nouvelles mines ou de nouvelles centrales", analyse Peter Bosshard, coordinateur de Unfriend Coal.
Cependant, pour les Amis de la terre, qui ont réalisé une note spécifique sur les assureurs français (2), ce n'est pas encore suffisant. L’ONG s’est focalisée sur les 120 entreprises les plus agressives en matière d’infrastructures charbonnières, dont la liste a été publiée le 9 novembre par Urgewald (3). Celles-ci représentent les deux tiers des 840 GW de nouvelles capacités prévues dans le monde. Au total, huit groupes d'assurances français détiennent des actions et obligations dans ces structures pour un montant de plus de 926 millions de dollars.
Des failles dans sa politique climatique
Axa arrive en tête avec 848 millions de dollars investis dans le charbon depuis 2015, devant Groupama (42 millions), Covéa (18 millions) et AG2R La Mondiale (11 millions). L’assureur a pourtant pris des engagements forts en matière climatique, dès 2015, se plaçant comme leader sur la question. "La forte exposition d'AXA à des entreprises qui continuent de construire de nouvelles centrales à charbon dans le monde démontre les failles de sa politique sur le secteur du charbon, et ses défauts d'application" commente Lucie Pinson, chargée de campagne Finance privée aux Amis de la Terre France.
Axa s’est notamment fixé un seuil d'exclusion de ses soutiens assurantiels aux entreprises qui tirent plus de 50 % de leur chiffre d’affaires du charbon. "C’est insuffisant, poursuit Lucie Pinson. AXA continue de financer des entreprises comme le japonais Marubeni qui compte pourtant parmi les plus gros développeurs de charbon et prévoit des projets dans des pays où le charbon est absent ou presque". L’ONG appelle l’assureur à s'aligner sur SCOR, Swiss Re et Allianz qui ont fixé leur seuil d'exclusion à 30 % et à ce que ce-dernier soit calculé sur la production générée à partir de charbon et non sur le chiffre d’affaires des entreprises.
Fin avril, le groupe a élargi sa politique aux actifs gérés pour tiers, mais uniquement à Axa IM et non à AllianceBernstein "alors que cette filiale est responsable de 70 % des investissements totaux d’Axa réalisés dans les entreprises charbonnières" dénonce l’ONG. Contacté par Novethic, Axa regrette une vision "parfois partiale", et une comparaison inappropriée avec d'autres assureurs "moins exposés aux marchés internationaux" et "n'opérant qu'en France". "Une évaluation juste aurait été de prendre en compte l'intensité carbone de nos investissements, qui est en baisse depuis 2015" précise l'assureur. "Par ailleurs, le rapport ne prend pas en compte toutes nos autres initiatives importantes dans la lutte contre le réchauffement climatique : article 173, TCFD, engagement des actionnaires et groupe d'experts de haut niveau de l'UE".
RWE en tête des entreprises les plus soutenues
Au total, 49 des 120 entreprises charbonnières les plus agressives sont financées par 32 investisseurs français pour un montant de 2 764 millions de dollars, au-dessus du PIB français. Signe que la fin du charbon est donc encore loin d’être sonnée. L’énergéticien allemand RWE est l’entreprise la plus financée dans l’Hexagone alors qu’elle produit 54 % de son électricité à partir de charbon, mais "seulement" 41 % de son chiffre d’affaires. D’où l’urgence d’adopter de nouveaux seuils plus ambitieux. RWE vient par ailleurs de réaffirmer son intention de poursuivre dans le charbon.
"Si les 55 principaux assureurs en Europe et aux Etats-Unis décidaient de transférer les 590 milliards qu’ils ont investi dans les entreprises des énergies fossiles vers les énergies renouvelables, ils feraient plus que tripler les investissements actuels dans ce secteur" concluent les auteurs du rapport. Le charbon est responsable de 43 % des émissions de CO2 et tue environ 9 millions de personnes chaque année.
Concepcion Alvarez @conce1