Publié le 04 mars 2022

ÉNERGIE

"Terreur nucléaire" en Ukraine après le contrôle par l'armée russe de la plus puissante centrale européenne

C'est inédit. Jamais un pays aussi nucléarisé que l'Ukraine n'avait été au cœur d'un conflit aussi important. Après avoir bombardé la plus grande centrale nucléaire d'Europe, à l'origine d'un incendie sur un bâtiment mais sans fuite radioactive, l'armée russe a pris le contrôle du site. Après cette attaque, le président français se dit "extrêmement préoccupé" par la sécurité nucléaire. L’Elysée va faire des propositions pour assurer la sécurité des cinq sites nucléaires ukrainiens.

Incendie centrale nucleaire ukraine ZAPORIZHZHIA NUCLEAR AUTHORITY AFP
Le 4 mars, les forces russes ont bombardé la plus grande centrale ukrainienne d'Europe.
ZAPORIZHZHIA NUCLEAR AUTHORITY / AFP

Emmanuel Macron s'est dit "extrêmement préoccupé des risques pour la sûreté, la sécurité nucléaires", après l'attaque de la centrale nucléaire de Zaporijia, à Enerhodar, dans le sud-est de l’Ukraine. Cette centrale, la plus grande d’Europe, est désormais occupée par l’armée russe. Le président français "condamne fermement toute atteinte à l’intégrité des installations nucléaires civiles ukrainiennes", indique l’Elysée. La France proposera des "mesures concrètes" pour garantir la sécurité des 5 sites nucléaires ukrainiens.

 

 

En effet cette nuit, "à la suite d’un bombardement des forces russes sur la centrale nucléaire de Zaporijia, un incendie s’est déclaré", a fait savoir le porte-parole de la centrale, Andreï Touz, dans une vidéo publiée sur Telegram. "La sécurité nucléaire est maintenant garantie. Selon les responsables de la centrale, un bâtiment pour les formations et un laboratoire ont été touchés par un incendie", a déclaré sur Facebook, Oleksandre Staroukh, chef de l’administration militaire de la région de Zaporijia.

L’Agence internationale de l’énergie atomique, dont le directeur général, Rafael Mariano Grossi, se dit prêt à se rendre sur place, affirme qu’aucune fuite radioactive n’a été constatée et qu’aucune installation "essentielle" de la centrale n’a été touchée. Des informations confirmées sur France Info par Barbara Pompili, ministre française de la Transition écologique : "Nous disposons dans tout le territoire européen de balises qui permettent de repérer la radioactivité. Les balises nous disent qu'il n'y a pas d'augmentation de la radioactivité autour, ce qui est rassurant, a priori rien n'a été touché dans la centrale qui pourrait être problématique".

Un site stratégique

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé Moscou d’avoir recours à la "terreur nucléaire" et de vouloir "répéter" la catastrophe de Tchernobyl, la plus grave de l’Histoire en 1986. "Nous alertons tout le monde sur le fait qu’aucun autre pays hormis la Russie n’a jamais tiré sur des centrales nucléaires. C’est la première fois dans notre histoire, la première fois dans l’histoire de l’humanité. Cet État terroriste a maintenant recours à la terreur nucléaire", a-t-il affirmé. Si pour l'instant, la sécurité nucléaire ne semble pas avoir été affectée, le contrôle de cette centrale d’ampleur par l’armée russe marque un tournant.  

"Stratégiquement, contrôler cette centrale, c’est exercer un moyen de pression supplémentaire. Les 6 réacteurs de Zaporizhzhia fournissent un cinquième de l’électricité produite en Ukraine. C’est la centrale nucléaire la plus puissante du continent européen. C’est donc un site stratégique de première importance et une infrastructure essentielle pour l’Ukraine et son approvisionnement en électricité", explique Michaël Mangeon, spécialiste de l’histoire du nucléaire et chercheur associé au laboratoire Environnement, ville et société (EVS) de l’Université de Lyon. 

"Réflexion profonde sur les dangers de l’atome"

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a appelé à une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU "dans les prochaines heures". "Les actions irresponsables du président Poutine peuvent maintenant menacer directement la sécurité de toute l’Europe", a-t-il déploré dans un communiqué. "Il y a déjà eu des conflits dans des pays possédants des réacteurs nucléaires mais jamais de cette ampleur et ayant autant de réacteurs en fonctionnement", avance Michaël Mangeon. À court terme, les experts affirment que pour assurer la maintenance des équipements, la Russie va devoir se reposer sur le personnel ukrainien qualifié. En attendant, alors que le Président Emmanuel Macron a annoncé une "renaissance du nucléaire français" dans sa stratégie énergétique, la question des dangers liés à l’atome ressurgit. 

"Les risques nucléaires très sérieux que fait peser sur l’Europe l’invasion de l’Ukraine par les troupes de Vladimir Poutine devraient susciter une réflexion profonde sur les dangers de l’atome dans un contexte géopolitique instable", indique Pauline Boyer, chargée de campagne Transition énergétique à Greenpeace France. "Cette guerre démontre la dangerosité du nucléaire et de notre dépendance au pétrole et au gaz fossiles dont nous devons sortir de toute urgence en accélérant le développement des économies d’énergie et des énergies renouvelables".

Marina Fabre Soundron @fabre_marina avec AFP


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