Publié le 28 mai 2018
ÉNERGIE
EDF et l’Ademe affichent des visions très éloignées sur la consommation d'électricité et le nucléaire
Depuis le 19 mars, se déroule le débat public sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Il s'agit de définir la politique énergétique du pays d'ici 2028. Deux contributions récentes émanant de deux entités étatiques, EDF et l’Ademe, montrent de fortes disparités sur les prévisions de consommation et sur l’avenir du nucléaire.
@RTE
C’est – sans doute – un hasard du calendrier. À 24 heures d’intervalles deux contributions, dit "cahiers d’acteurs", ont été déposés au débat sur la programmation pluriannuelle de l’énergie. Elles émanent de deux acteurs majeurs de l’énergie en France. La première provient de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la seconde d’EDF. Or l’institution publique et l’entreprise détenue à 84 % par l’État affichent des positions très divergentes.
Tous les observateurs de l’énergie l’assurent : définir une politique énergie à 5, 10, 15 ans sans savoir ce que sera la consommation d’énergie en France est une gageure. Cela dépend bien sûr des progrès technologiques, mais aussi de la démographie et de la croissance économique. Ceci explique comment EDF et l’Ademe arrivent à des visions opposées.
Consommation en croissance pour EDF
Pour l’Ademe, la France doit réduire sa consommation d'énergie de 30 % d'ici à 2035, y compris celle d'électricité. La réduction de la demande d'énergie passera par l'amélioration de l'efficacité énergétique, notamment dans l'industrie, la rénovation du parc de bâtiments, et l'évolution des "comportements de mobilités" des personnes et du transport de marchandises.
De son côté, EDF table sur une augmentation de la consommation d'électricité "entre 0 et 0,5 % par an" sur les deux prochaines décennies, du fait du développement de certains usages (véhicules, chauffage). EDF semble écarter les hypothèses de sa filiale RTE (Réseau de Transport électrique), qui, fin 2017, avait présenté quatre scénarios sur l’énergie en France affichant une consommation au mieux stable, plus vraisemblablement en baisse.
Autre point de divergence, le nucléaire. EDF défend l’utilité de son parc de 58 réacteurs, en particulier en vue de l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Dans ce cadre, l’électricien réitère sa volonté de ne fermer aucun réacteur nucléaire avant 2029, hormis ceux de la centrale de Fessenheim. L’entreprise rappelle aussi sa volonté d'obtenir l'autorisation d'en garder certains en service jusqu'à 60 ans, mais sans préciser combien.
L’objectif nucléaire repoussé
L'Ademe de son côté prend grand soin de ne pas même écrire le mot nucléaire dans sa contribution. Mais en creux, nous pouvons lire sa volonté de le réduire rapidement. Alors que la part de l’atome dans le mix électrique s’établit aujourd’hui à 75 %, l’agence propose une trajectoire qui amènerait à près de 40 % d’énergies renouvelables (ENR) en 2035. "Ainsi, pour 2028, l’Ademe estime qu’une augmentation de 70 % de la production ENR par rapport à 2016 est techniquement possible et économiquement souhaitable", peut-on lire dans le cahier d'acteurs.
La fin du débat national aura lieu dans un mois. Dans la foulée début juillet, le gouvernement présentera sa feuille de route sur l’énergie. Une source élyséenne affirme qu’une date précise d’objectif de réduction du nucléaire à 50 % sera indiquée dans ce document. "Ce ne sera pas 2025 (comme indiqué dans la loi de transition énergétique, ndr), mais ce sera un horizon visible", explique-t-elle. Par la suite, la PPE doit être adoptée en fin d’année.
Ludovic Dupin avec AFP