Publié le 13 mars 2017
ÉNERGIE
Déchets nucléaires : un rapport parlementaire (trop?) favorable aux industriels
Un rapport publié par l’OPECST, office chargé d’informer le Parlement, préconise le stockage géologique profond, la valorisation et le recyclage des déchets radioactifs. Un rapport très favorable aux grands acteurs industriels du secteur. Les ONG qui militent contre l’utilisation de l’atome dénoncent la partialité des deux députés ayant piloté sa rédaction. Explications.

Jean-Christophe Verhaegen / AFP
"La probité de nos élus est en question", s’insurge Corinne François du collectif Bure Stop 55. En cause ? Un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques présenté jeudi matin à la presse.
L’OPECST, dont la mission est d’informer le Parlement "des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin, notamment, d’éclairer ses décisions", s’est chargé d’évaluer le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.
Diligenté par deux parlementaires, le député PS Christian Bataille et le sénateur UDI Christian Namy, le rapport met en exergue plusieurs solutions de traitement des déchets radioactifs. Des propositions pour le moins controversées.
L’OPECST estime que "le stockage géologique profond est la meilleure option pour les déchets ultimes de haute et moyenne activité à vie longue" et que "le projet Cigéo est la seule option pour assurer la sûreté à long terme."
Nucléocrate
Autrement dit, l’enfouissement à 500 mètres sous terre des déchets nucléaires les plus radioactifs à Bure, malgré la décision d’annulation par la justice, serait la seule voie à suivre. Elle constituerait même un "exemple" pour les autres pays, estime Christian Namy.
"Ils présentent l’enfouissement comme une solution. Leur approche n’est pas fondée sur le danger ou le risque. Ce n’est pas surprenant de la part de Mr Bataille", commente Corinne François. Le député PS, en désaccord avec Benoit Hamon sur l’abandon du nucléaire d’ici 25 ans, vient de rejoindre le camp d’Emmanuel Macron.
Estampillé "nucléocrate" par l’ONG Sortir du nucléaire, il est à l’origine de la loi de 1991, une nouvelle fois votée en 2006, sur les déchets radioactifs. Il est notamment cité dans le livre Députés sous influences, des journalistes Hélène Constanty et Vincent Nouzille, pour avoir organisé des colloques à l’Assemblée sponsorisés par… Areva, le spécialiste du combustible et du retraitement des déchets nucléaires, BNFL, son concurrent britannique, ou encore l’ANDRA, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.
"L’OPESCT n’est que la chambre de résonance des auditions que vous voulez bien y effectuer, et non un organisme scientifique en tant que tel, producteur d’études soumises à la critique de ses pairs scientifiques", écrivait le président de France nature environnement, Pierre Delacroix, dans une lettre ouverte adressée à Christian Bataille.
Le député venait de s’opposer à la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, sur la fermeture de Fessenheim et le développement des énergies renouvelables.
Développement durable atomique ?
Dans le fond, le nouveau rapport de l’OPECST propose de "récupérer les matières énergétiques présentes dans les combustibles usés" pour les réutiliser, à court terme, dans les ERP, les réacteurs à eau pressurisée, dont le parc naturel actuel est doté. Ou, à long terme, de les recycler dans de nouveaux types de réacteur dits "à neutrons rapides".
Exit, donc, une possible sortie du nucléaire. C’est de "l’économie circulaire", du "développement durable", estime Christian Bataille. "Il est difficile de se faire à l’idée, alors que l’humanité est confrontée à des défis climatiques et énergétiques majeurs, qu’une telle ressource puisse être volontairement et froidement abandonnée, à tout jamais", ajoute le député. Un argument environnemental pour prolonger le nucléaire… de quoi faire hurler les associations.
"Sortir de la politique de l’autruche"
"C’est invraisemblable ! On abuse des mots. C’est un détournement sémantique !", réagit Corinne François. Même si Christian Bataille se défend de toute provocation, la pilule a du mal à passer. Car, autant sur le fond que sur la forme, les arguments de l’OPESCT sont contestables.
"Bure, c’est une usine à hydrogène. Tout est réuni pour avoir un incendie", explique Bertrand Thuillier. L’ingénieur agronome s’est penché sur les 4000 pages de l’Andra concernant le projet Cigéo. "Pour créer un incendie, il faut d’abord un combustible. Ici, ce sont l’hydrogène et le bitume. Ensuite, un comburant : l’oxygène. Et enfin, une étincelle : les batteries haute puissance qui tournent en permanence."
Le scientifique en est persuadé : "ça va mal se passer". Pour Corinne François, il y a urgence : "Il faut sortir de la politique de l’autruche. Le nucléaire n’est pas une ressource propre. Arrêtons de charger le barque."