Publié le 05 juillet 2023

ÉCONOMIE

Sergent Major, DPAM, Jennyfer... dans le textile, l'hécatombe continue : "On ne sait pas où ça va s'arrêter"

Des milliers d'emplois en sursis, des magasins qui tirent leur rideau de fer, des centres-villes fantômes... la crise historique de l'habillement touche tout le milieu de gamme en France. Après Kookaï, Camaïeu ou Pimkie c'est au tour de Du pareil au même et Sergent Major d'être touchés. 

Fermerture magasin david pisnoy runsplash
Depuis le début de l'année, 10 000 emplois auraient disparu en raison de la crise de l'habillement.
Unsplahs / David Pisnoy

C’est une véritable déflagration et rien ne semble l’arrêter. Après Camaïeu, Pimkie, Comptoir des Cotonniers c’est au tour de Sergent Major et Du Pareil au même (DPAM) d’être touchés de plein fouet par la crise de l’habillement. Le premier a été placé en procédure de sauvegarde et le second en redressement judiciaire. La holding Générale pour l’Enfant (GPE) qui détient les deux entreprises a indiqué à l’AFP avoir été "impactée" par les "crises sociales, la pandémie de Covid-19, la crise énergétique et l’inflation". 2 500 emplois sont concernés.

Quelques jours avant, c’est l’enseigne de mode Don’t call me Jennyfer, qui emploie plus de 1 000 personnes en France, qui a demandé son placement en redressement judiciaire. Plus connue sous le nom de Jennyfer, enseigne phare des années 2000 pour les adolescentes, la société a pourtant tenté une restructuration en 2019 avec à la barre Sébastien Bismuth, l’actuel PDG de Celio. Mais la crise de trésorerie d’envergure de l’enseigne l’a emportée, malgré un plan de relance salué par de nombreux experts textiles. 

"On ne sait pas où cela va s’arrêter. La liste d’entreprises touchées dans notre secteur s’allonge, on ne peut avoir qu’une réaction d’abattement", confie à Novethic Yohan Petiot, directeur général de l’Alliance du commerce. "On s’attend à d’autres mauvaises nouvelles". Au total, depuis le début de l'année, 10 000 emplois auraient disparu, selon Yann Rivoallan, président de la Fédération du prêt-à-porter féminin.

Une décommercialisation des villes moyennes 

Toutes les enseignes du milieu de gamme et même du "luxe accessible" comme récemment Comptoir des cotonniers et Princesse Tam Tam sont concernées. "Ce sont des enseignes qui étaient les stars des années 80/90 et qui n’ont pas su prendre le virage du numérique. Elles n’ont pas su se repositionner par rapport à la fast-fashion", remarque l’expert en retail Jerôme Monange. "Au moment où les ventes ont décollé sur Internet, les enseignes traditionnelles, qui n’avaient pas pris le tournant du numérique, ont ouvert des magasins pour compenser le manque de dynamisme de leur chiffre d’affaires", ajoute Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’Institut français de la mode.

Un choix qu’elles payent durement aujourd’hui. Alors qu’en dix ans le marché de l’habillement a perdu 9% de sa valeur, les loyers commerciaux ont eux augmenté de 18%. Face à la pression, le gouvernement s’est engagé à ouvrir un groupe de travail sur les baux commerciaux. L’enjeu est de rééquilibrer le rapport de force entre les bailleurs et les locataires. "Sans ça, on n’y arrivera pas", indique Yohan Petiot. "Le risque réel aujourd’hui c’est une perte de magasins dans les territoires. Les premières victimes de cette décommercialisation sont les villes moyennes", s'inquiète-t-il.

Raconter une histoire, porter des valeurs 

En attendant, dans un contexte de crise du pouvoir d’achat, les Français plébiscitent à la fois les vêtements pas chers, comme ceux de Shein, une marque 100% numérique qui engloutit les parts de marchés de l’habillement avec ses t-shirt à 3 euros, et la seconde main. Est-ce donc la fin des enseignes traditionnelles? "Dans une histoire, il y a un début et une fin mais on voit que des marques qui prennent un positionnement fort marchent ! Il faut privilégier le côté émotionnel en le liant à ses valeurs, l’engagement écologique, la RSE,..", explique Jerôme Monange.  

Une approche partagée par la ministre du Commerce, Olivia Grégoire qui constaté récemment sur BFM Business : "Certaines enseignes vivent une crise de surcapacité avec parfois deux magasins dans la même rue piétonne. Ça impose trois choses aux acteurs : s'engager sur le chemin de la seconde main, personnaliser beaucoup plus les approches et renforcer la stratégie numérique". 

Et ce n’est pas la période des soldes qui va remettre à flot les enseignes en difficulté. Alors que ces dernières avaient bien commencé, elles ont été stoppées net par les violences urbaines liées à la mort du jeune Nahel. Selon l’Alliance du commerce, la région parisienne est la plus touchée avec une baisse de 31% au centre commercial de Rosny2 en Seine-Saint-Denis notamment. Le secteur a obtenu du gouvernement une prolongation d’une semaine des soldes. Un sursis qui ne réglera pas le problème profond que rencontre la profession. 

Marina Fabre Soundron


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