Publié le 06 mai 2023
ÉCONOMIE
Shein : 3 questions sur le géant de l'ultra fast-fashion qui s'installe à Paris
Shein débarque dans la capitale. Ce ne sera que pour quelques jours mais l’annonce de l’ouverture d’une boutique éphémère dans le Marais suscite autant l’engouement des plus jeunes, son cœur de cible, que le désarroi de ses opposants. Fondé en 2008 en Chine, Shein a connu une ascension fulgurante entachée par une série de scandales. Zoom sur celui qui a réussi à ringardiser Zara et H&M en peu de temps.

CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
Comment expliquer le succès de Shein ?
Les prix imbattables de Shein sont essentiellement la raison de son succès. Avec des robes à 8,99 euros, des T-shirt à 4,99 euros ou des jeans à 9,49 euros, difficile pour les consommateurs, qui subissent de plein fouet l’inflation et une baisse de leur pouvoir d’achat, de résister aux sirènes de cette marque 100% numérique. En un temps record, Shein a conquis la génération Z en se développant sur leur réseau social préféré, TikTok. Une acquisition de clients à bas coût, grâce notamment aux influenceurs.
Autre facteur de son ascension fulgurante : sa réactivité. Shein a les délais les plus courts du marché. Il crée de nouveaux modèles en quelques instants. Au lieu de les produire en grande quantité, il en commande une centaine. Si l’article fonctionne bien, la production s’intensifie. Son modèle est donc le même que celui de la fast fashion mais poussé à l’extrême. Le spécialiste de la tech Matthew Brennan estime même que Shein a créé un nouveau segment de l’industrie textile, qu’il définit par la real-time fashion, la mode en temps réel. C’est un cran au-dessus de l’ultra fast fashion symbolisée par les sites d’e-commerce comme Asos ou BooHoo.
Enfin, le Covid-19 a été un véritable booster pour Shein. Quand toutes les enseignes physiques baissaient leur rideau, ses commandes ont explosé. De 8,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020, le site chinois est passé à 30 milliards en 2022.
Pourquoi Shein est si décrié ?
On le sait, des vêtements aussi peu chers ont obligatoirement un coût environnemental et social. Sur le volet droits humains, l’ONG Public Eye avait révélé en novembre 2021 les conditions de travail désastreuses dans les usines de confection chinoises : des ateliers sans issues de secours, des fenêtres condamnées, des conditions de sécurité aux conséquences fatales en cas d’incendie qui font malheureusement écho à l’effondrement du Rana Plaza en 2013, cette usine textile bangladaise qui a provoqué la mort de milliers d’ouvrières du textile.
Autre grief, et non des moindres, Shein est accusé d’être impliqué dans le travail forcé des Ouïghours en Chine, cette minorité musulmane persécutée. Elle n’est pas la seule marque de fast-fashion à l’être mais des sénateurs américains viennent de demander une enquête indépendance à la SEC, le gendarme boursier américain, pour évaluer l’implication de Shein sur ce sujet. Si les sénateurs s’y intéressent de près c’est que plusieurs médias américains affirment que Shein serait en train de préparer son introduction en Bourse aux États-unis. Ce que la marque réfute.
Côté environnement, là aussi les points noirs s’accumulent. Le groupe a été épinglé par Greenpeace Allemagne le 23 novembre dernier. Accessoires, vêtements pour enfant, chaussures… Sur les 47 pièces issues du catalogue en ligne de la marque et d’une boutique éphémère installée à Munich, en Allemagne, Greenpeace a estimé que 32% contenaient des "substances chimiques dangereuses à des niveaux préoccupants". Qualifiée du "pire du pire de la mode" par Catherine Dauriac, présidente de Fashion Revolution France, Shein représenterait par ailleurs 22% des émissions de carbone des adolescentes françaises de 15 à 17 ans.
Comment se défend la marque ?
Pendant des années, Shein est resté silencieux. Mais depuis quelques mois, le groupe a lancé une opération séduction dans les médias. Dans une interview au Parisien, Peter Pernot-Day, en charge de la stratégie du groupe explique : "Je le répète, notre modèle, unique et innovant, est à ce jour mal compris. Comme nous avons très peu communiqué jusqu’à présent, les gens ne savent pas que notre impact environnemental est bien plus bas que ce qu’ils pensent, puisque nous attendons de savoir s’il y a une demande avant de produire, ce qui nécessite au passage une extrême agilité". Et de poursuivre : "Les consommateurs nous assimilent aux acteurs traditionnels de la mode, si ce n’est pire, alors que nous polluons beaucoup moins qu’eux." Shein affirme par ailleurs ne pas avoir de fournisseurs dans la région du Xinjiang, région chinoise dans laquelle les Ouïghours seraient soumis à du travail forcé.
De manière générale, Shein tente de redorer son image alors que sa réputation a été largement entachée ces dernières années. Le groupe a par exemple lancé une plateforme de seconde main et a envoyé un de ses émissaires à Davos, lors du Forum économique mondial. L’ouverture de commerce en physique s’inscrit dans cette stratégie de changement d’image. "Ces magasins, c’est une vitrine de respectabilité que Shein s’achète", analyse l’expert en retail Jérôme Monange.