Publié le 06 juin 2023
ÉCONOMIE
Fermeture de Comptoir des Cotonniers et Princesse Tam Tam : la crise de l'habillement s'enlise
Après Camaïeu, San Marina ou Pimkie, c'est au tour de Comptoir des Cotonniers et Princesse Tam Tam d'être contraints de fermer des magasins. Alors que l'ensemble du secteur traverse une crise d'ampleur, face au pouvoir d'achat en berne, ce sont les enseignes à bas coût comme Shein qui tirent leur épingle du jeu. Mais à quel prix ?

@CC0
La liste noire s’allonge. Le groupe japonais Fast Retailing, qui détient notamment l’enseigne Uniqlo, vient d’annoncer la fermeture de 55 magasins des enseignes Comptoir des Cotonniers et Princesse Tam Tam sur 136 en France. Au total, 304 postes vont être supprimés soit 40% des effectifs des deux enseignes. "L'objectif est de clôturer les fermetures (de boutiques) à horizon août 2024, mais l'accompagnement des collaborateurs se fera sur une durée plus longue", a précisé le groupe. Les négociations concernant ce plan de réorganisation "sont en cours", et "l'objectif est de limiter au maximum son impact sur les collaborateurs et les licenciements" via "un dispositif d’accompagnement social très complet qui comprendrait notamment des propositions de reclassement au sein du groupe et un plan de départs volontaires".
Ce plan social intervient deux ans après une première annonce de fermetures de magasins. En mars 2021, la direction voulait alors supprimer 24 magasins Comptoir et 7 magasins Princesse Tam Tam. En cause, les "difficultés" rencontrées par les deux marques. "Toutes deux sont très fortement impactées par la crise du marché de l’habillement et ont été fortement touchées par les bouleversements sociaux et sociétaux à répétition de ces dernières années", écrivait la direction dans un communiqué. Depuis, les deux enseignes n’ont pas pu redresser la barre alors que le secteur du prêt-à-porter s’est enlisé dans une crise historique en France.
La crise du pouvoir d’achat fait tomber les enseignes
San Marina, André, Camaïeu, Pimkie… le nombre d’enseignes en redressement judiciaire, en faillite ou ayant tout simplement baissé le rideau ne cesse de grossir. Alors que le milieu de gamme était le segment le plus touché, concurrencé par les géants H&M et Zara, cette fois ce sont les enseignes de luxe accessible, comme Comptoir des cotonniers, qui tombent. "Quel que soit le positionnement des entreprises, le secteur traverse une période très difficile depuis le Covid-19, intensifiée par la perte de pouvoir d’achat", explique à Novethic Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’Institut français de la mode. "Le choc de l’inflation est beaucoup plus important qu’on ne l’imagine. Les arbitrages des consommateurs sont très rigoureux. Le critère prix revient en force et devient la condition n°1 de l’achat".
Cette "hécatombe" qui touche les enseignes phares des années 1990-2000 marque le virage raté à la fois du numérique et de l’écoresponsabilité. Les André, Go Sport, Kookaï se sont fait doubler par les géants de l’e-commerce comme Asos et Boohoo, tout en étant concurrencés par les plateformes de seconde main comme Vinted qui répondent aux attentes d’une partie des consommateurs. Une enseigne cristallise d’ailleurs la plupart des tensions par son arrogante popularité auprès des jeunes : Shein.
"Ça me désole quand je vois que Shein prend les parts de marché"
Alors que les clientes désertent Comptoir des Cotonniers et Camaïeu, des files d’attente de plusieurs heures se forment à chaque ouverture exceptionnelle -et temporaire- des magasins Shein. Ce géant chinois du e-commerce, qui vend des robes à 8,99 euros et des T-shirts à 4,99 euros cartonne. Et ce ne sont pas les scandales environnementaux et les accusations d’exploitation des travailleurs qui vont ralentir son succès. "Certains pensent que ce n’est pas à eux de faire l’effort de réduire leurs achats, que c’est aux entreprises de le faire. Mais il faut expliquer qu’un achat à un impact, il faut revenir à une certaine citoyenneté qui va favoriser des actes d’achats plus vertueux", remarque Gildas Minvielle. "Il faut faire en sorte que les entreprises vertueuses prennent les parts de marché, ça me désole quand je vois que c'est Shein qui les récupère".
La solution viendra-t-elle de la législation ? La semaine dernière, le Parlement européen a adopté un devoir de vigilance qui vise à rendre les multinationales, comme Shein par exemple, responsable des violations des droits humains ou environnementaux sur l’ensemble de leur chaîne de production. Si le texte doit encore être approuvé par le Conseil européen et la Commission, le signal est fort et pourrait changer la donne. Les entreprises pourraient en effet faire face à des amendes s’élevant à 5% de leur chiffre d’affaires.