CSRD : la directive sur le reporting de durabilité des entreprises
Il s’agit sans doute de l’acronyme qui a le plus circulé dans les couloirs des grandes entreprises cette année. La Corporate sustainability reporting directive (CSRD), adoptée par l’Union européenne en décembre 2022 et transposée en droit français un an plus tard, va les obliger à tenir la comptabilité des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance qui pèsent sur leur activité, mais aussi des risques que leurs activités font peser sur l’environnement et la société. Un travail colossal les attend pour collecter toutes les données et les restituer dans un document qui sera intégré dans leur rapport de gestion. Ces données de durabilité sont ainsi élevées au même niveau que les informations financières, l’intention de la Commission étant qu’elles permettront de piloter la transformation des entreprises vers une économie bas carbone.
CS3D, ou CSDDD : le devoir de vigilance à l’européenne
C’est l’autre acronyme européen qui a agité les entreprises en 2023. Cette directive sur le devoir de vigilance, dite Corporate sustainability due diligence directive (CSDDD ou CS3D), est en bonne voie d’adoption par l’Union européenne. Le Conseil, le Parlement et la Commission se sont mis d’accord sur un texte commun le 14 décembre dernier. Là aussi, cette directive va obliger les entreprises à faire un reporting supplémentaire, mais sur les risques d’atteintes aux droits humains et à l’environnement présents dans toute leur chaîne de valeur. Inspirée de la loi française sur le devoir de vigilance, la CS3D vise notamment à éviter que des sociétés opérant en Europe soient impliquées directement ou indirectement dans des catastrophes comme celle de l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013.
TNFD : le groupe de travail international sur les données de la nature
La Taskforce on nature-related financial disclosure (TNFD) a véritablement pris son envol cette année. Ce groupe de travail international est directement inspiré de la TCFD, la “taskforce” créée peu après la COP21 pour élaborer un cadre pour communiquer les informations financières relatives au climat. La TNFD développe un outil similaire à destination des entreprises mais pour les aider cette fois à divulguer leurs dépendances à la nature, les impacts que leurs activités engendrent sur les écosystèmes, ainsi que les risques et opportunités qui en découlent. En septembre 2023 à New York, le tout nouveau cadre de reporting sur la nature a été dévoilé. Il s’agit cependant d’un cadre volontaire, que les entreprises et institutions financières peuvent choisir d’utiliser ou pas. La TNFD prévoit de présenter une première liste d’entreprises ayant choisi de s’y conformer lors du forum de Davos en janvier 2024.
CCS : Captage et stockage de CO2
Les technologies CCS, qui existent depuis une quarantaine d’années, visent à capter le CO2 émis par les usines ou les centrales électriques, puis à le stocker dans des formations géologiques dans les sous-sols ou à le valoriser dans la fabrication par exemple d’e-carburants pour l’aviation et le transport maritime. On compte une quarantaine d’installations en activité dans le monde, qui captent et stockent moins de 0,1% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, avec des taux de capture par site variant de 10 à 65%, selon une étude d’Oil change international. Le coût très élevé du CCS est un autre frein. Selon l’université d’Oxford, un scénario haut de CCS (qui permettrait de capter environ la moitié des émissions actuelles) coûterait au moins 30 000 milliards de dollars de plus qu’un scénario basé sur les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et l’électrification d’ici 2050. Pour beaucoup de spécialistes, le déploiement du CCS ne devrait donc être réservé qu’aux secteurs difficiles à décarboner comme la production d’acier ou de ciment, position défendue par exemple par l’Union européenne et mentionnée dans l’accord de Dubaï à la COP28.
MACF : Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, aussi appelée “taxe carbone aux frontières”
Il s’agit de l’un des dispositifs phares du Pacte vert, adopté en 2022, totalement inédit au monde puisqu’il va imposer une taxe carbone aux importations européennes. L’objectif est double. D’une part, le MACF vise à éviter les fuites de carbone alors que l’UE accroît ses engagements climatiques et impose des contraintes supplémentaires à ses industriels. D’autre part, l’ambition est d’encourager les partenaires commerciaux de l’UE à adopter des technologies plus vertes et plus durables. Concrètement, quand un produit rentrera dans l’Union, il paiera le prix du CO2 émis lors de sa production. Pour l’instant, cinq familles de produits à “forte intensité carbone” sont concernées : le fer et l’acier, l’aluminium, le ciment, les engrais, l’hydrogène et l’électricité. Le mécanisme va être mis en place à partir de 2026 et montera progressivement en charge jusqu’en 2034, parallèlement à la suppression des quotas d’émissions gratuits, ces crédits carbone versés gratuitement aux industriels pour les aider à faire leur transition. Le dispositif a toutefois suscité de nombreuses critiques, certains (la Chine principalement) y voyant un protectionnisme masqué. Les industriels européens sont également inquiets et craignent pour leur compétitivité.
Concepcion Alvarez et Arnaud Dumas