Ça partait d’une bonne intention. Alors que la plus grande partie des réserves en cobalt sont détenues par la République démocratique du Congo, où le travail des enfants et la protection de l’environnement sont encore loin d’être réglementés, BMW a choisi de s’approvisionner ailleurs pour fabriquer ses propres batteries lithium-ion équipant ses voitures électriques. En 2020, le constructeur allemand signe ainsi un contrat de cinq ans, d’une valeur de 100 millions d’euros, avec Managem, une entreprise minière marocaine, qui opère une mine de cobalt dans le sud du pays depuis 1930. Celle-ci doit couvrir environ un cinquième des besoins en cobalt de BMW pour la cinquième génération de ses chaînes de traction électrique.
"La durabilité est un aspect important de notre stratégie d’entreprise et joue un rôle clé dans le développement de l’électromobilité. Nous avons signé un contrat avec Managem pour continuer à sécuriser nos besoins en matières premières pour les cellules de batteries", déclarait alors Andreas Wendt, responsable des achats et du réseau de fournisseurs. Trois ans plus tard, le groupe annonce finalement ouvrir une enquête sur ce fournisseur, accusé par plusieurs médias, dont Reporterre, de polluer l’environnement avec des rejets d’arsenic et de ne pas respecter les normes de sécurité des travailleurs sur place.
Concentration d’arsenic "très élevée"
"BMW a demandé à la direction de Managem de fournir des explications", indique le groupe allemand dans un communiqué transmis à l’AFP. En cas de faute avérée du fournisseur, BMW "exigera bien entendu des mesures correctives immédiates", a poursuivi le communiqué, disant prendre "les possibles violations" des règles "au sérieux". Le groupe est soumis à la loi allemande sur le devoir de vigilance, adoptée en 2021. De son côté, Managem vante sur son site une politique d’approvisionnement "responsable" du cobalt en "harmonie avec les standards ainsi que les directives de l’OCDE en matière d’approvisionnement en minerais".
L’enquête publiée en début de semaine dépeint au contraire une toute autre image. Elle révèle une concentration d’arsenic "très élevée" dans des échantillons d’eau et de terre autour de la mine. Cette substance hautement cancérigène, est un co-produit du cobalt extrait sur le site de Bou-Azzer, au sud de Ouarzazate. L’enquête dénonce également le manque de protection des travailleurs. "Les mineurs en sous-traitance rencontrés sur place disent travailler sans protection respiratoire, exposés aux poussières du minerai et des explosifs", expliquent les journalistes de Reporterre. Ce qui est notamment confirmé par les photos publiées sur le site de Managem.
Outre BMW, Renault avait lui aussi prévu de s’approvisionner en cobalt sur le site de Bou-Azzer pour fabriquer ses propres batteries à partir de 2025. Un accord a été signé avec Managem en 2022. Contacté par Novethic, le groupe nous fait savoir qu’il prépare "un premier audit ESG sur site mené par un organisme tiers indépendant très prochainement". Et d’assurer qu’en cas de non-respect des normes et engagements ESG du groupe, "des mesures correctives seront prises pour se conformer aux normes".
Concepcion Alvarez