La date n’a pas encore été divulguée mais le procès aura bien lieu. Le 5 septembre, France Inter révélait que les laboratoires Servier et l’Agence française du médicament ont été renvoyés en correctionnel dans l’affaire du Mediator.
Ce médicament, prescrit pendant plus 33 ans avant d’être retiré du marché en novembre 2009, était à l’origine un antidiabétique largement utilisé comme coupe-faim. Plus de 5 millions de personnes l’ont utilisé sans connaître ses effets secondaires. Or, il serait responsable, selon la dernière expertise judiciaire, de 1500 et 2100 décès.
"Escroquerie" et "tromperie aggravée"
C’est la pneumologue Irène Frachon qui a tiré la sonnette d’alarme en 2000. "Pendant deux ans, j’ai enquêté à partir d’une simple suspicion", racontait-elle à Novethic en novembre 2016, "je devais déjà montrer le lien de causalité entre le Mediator et les atteintes cardiaques".
Selon le réquisitoire du parquet, un dossier de 600 pages auquel a eu accès Le Monde, les juges d’instruction du pôle santé publique de Paris ont ordonné un renvoi en correctionnel pour "tromperie aggravée, escroquerie, et trafic d’influence" dans le cas des Laboratoires Servier et "homicides et blessures involontaires" pour l’Agence nationale de sécurité du médicament. Au total, 14 personnes physiques et 11 personnes morales sont renvoyées devant le tribunal correctionnel.
"Ce sont des hyènes"
Les juges estiment que les laboratoires Servier ont "dès le début des années 1970, sciemment caché les propriétés pharmacologiques réelles du médicament Médiator qui s’inscrivait pourtant, sans contexte (…) dans la lignée des anorexigènes", concluant, selon Le Monde que les comportements du groupe Servier et de ses dirigeants étaient délibérément "fautifs, attentatoires à la santé de la population".
Le groupe Servier a de son côté fustigé une "instruction tronquée", des investigations "incomplètes" et a rappelé "l’action de l’Agence du médicament, de ses hauts fonctionnaires et de sa tutelle ministérielle occultée, alors que le Mediator était sous enquête nationale de pharmacovigilance de 1995 à 2009".
"Ce sont des hyènes", racontait Irène Frachon à Novethic en décrivant les attitudes des laboratoires Servier, "ils intimident les victimes, ils essayent de les déstabiliser, ils ne reconnaissent jamais leur culpabilité".
Une agence du médicament "passive"
l’ANSM elle, est pointée du doigt pour sa "négligence" et sa "passivité". "Son incapacité à assurer un contrôle effectif réel du médicament la conduit à une responsabilité notable dans la survenue des homicides et blessures involontaires", écrivent les juges d’instruction.
Le procès, que l’avocat des victimes espère pour 2018, s’annonce hors nome. Près de 4 129 parties civiles sont attendues. Il manquera pourtant à l’appel le principal acteur de l’affaire, le fondateur des laboratoires, Jacques Servier, mort en 2014 à 92 ans.
Marina Fabre @fabre_marina
Publié le 24 octobre 2017
Les laboratoires Servier et l'ANSM, Agence nationale de sécurité du médicament, vont être renvoyés devant le tribunal correctionnel dans l'affaire du Mediator. L'un pour "tromperie aggravée" et "escroquerie", l'autre pour "homicides et blessures involontaires". On estime entre 1500 et 2100 le nombre de décès dû à ce médicament antidiabétique largement détourné comme coupe-faim et interdit bien trop tard sur le territoire français.
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