Le "compte pénibilité", renommé "compte professionnel de prévention" par Emmanuel Macron, est-il obsolète avant même d’avoir été appliqué ? Destiné aux salariés du privé, il permettait, à l’origine, de partir plus tôt à la retraite ou de bénéficier d’une formation pour compenser la pénibilité du métier exercé.
Le nouveau pouvoir politique souhaite en modifier le contenu. Exit la prise en compte des critères de manutention de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques ou encore les risques chimiques. Un changement décrié par les syndicats.
Les autoentrepreneurs exclus
Mais surtout, le compte pénibilité exclut toujours les travailleurs non-salariés. Plusieurs métiers exercés par des autoentrepreneurs cumulent pourtant les critères de pénibilité. Les coursiers à vélo par exemple, peuvent travailler de nuit, ont souvent des horaires irréguliers ou atypiques, sont exposés au bruit des voitures, à la pollution, etc.
"Notre travail est pénible, c’est une évidence", estime Jérôme Pimot, livreur à vélo, membre fondateur du CLAP, Collectif des Livreurs Autonomes de Paris. "Le fait qu’on soit payé à la course rend déjà ce travail pénible car il faut aller vite, cela provoque de l’usure, de la fatigue… Plus on va vite, plus l’algorithme (des sociétés de livraisons, ndr) nous considère comme vaillant et nous attribue des courses".
Désabusé, Jérôme Pimot ne croit pas possible d’ouvrir le compte pénibilité aux autoentrepreneurs. "À peine le sujet sera évoqué que les armées de lobbyistes vont sortir du bois". Preuve en est, selon lui, la place attribuée aux autoentrepreneurs dans la loi Travail a été réduite à la portion congrue.
"Il y a un décalage entre la loi et les nouvelles réalités de travail"
Or, l’autoentrepreneuriat tend à se généraliser et ce dans tous les secteurs. Plusieurs plateformes proposent par exemple à des particuliers des déménageurs autoentrepreneurs disponibles rapidement et peu chers. Ces déménageurs, s’ils étaient salariés, rempliraient les critères de l’ancien compte pénibilité.
"Pour l’instant, il y a un décalage entre la loi et les nouvelles réalités du travail", explique le sociologue Rémy Oudghiri, membre de comité de pilotage de l’Observatoire de l’Ubérisation. "Les pouvoirs publics ne sont pas aussi rapides que l’on pourrait l’espérer, surtout quand on les compare à ces nouvelles plateformes hyperréactives !"
Les plateformes ont une "responsabilité sociale à l’égard des travailleurs indépendants"
Au-delà de la pénibilité, c’est la protection sociale de ces autoentrepreneurs qui pose question. La loi Travail, portée par Myriam El Khomri, a essayé de commencer à légiférer dans le domaine. Ainsi, elle estime que les plateformes comme Uber ou Deliveroo ont une "responsabilité sociale à l’égard des travailleurs indépendants qui y recourent". Mardi 25 juillet, Uber a établi un premier pas dans ce sens. Il s’est associé avec Axa et propose désormais une assurance gratuite aux chauffeurs.
Une première ébauche législative qu’il faudrait généraliser. Entre 2008 et 2010 la création de micro-entreprises a explosé avec une croissance de 88 %. Aujourd’hui, leur progression s’est stabilisée mais elles représentent encore 40 % des créations des nouvelles entreprises en 2016, soit 222 792 structures sur un total de 554 028.
Marina Fabre @fabre_marina
Publié le 27 juillet 2017
Il est censé avancer l'âge de la retraite ou proposer des formations à des salariés aux métiers pénibles. Le compte pénibilité, bientôt réformé par les équipes d'Emmanuel Macron, est toujours réservé au modèle du salariat. Pourtant, de plus en plus d'autoentrepreneurs, du livreur à vélo au déménageur, cumulent plusieurs critères de pénibilité et ces nouveaux travailleurs ne peuvent pas en bénéficier.
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