Les grandes entreprises du secteur de l’énergie "sous-estiment systématiquement la progression des technologies bas carbone". C’est la principale conclusion d’un rapport publié hier par le Grantham Institute de l’Imperial College London et le think thank financier Carbon Tracker Initiative.
Concrètement, lorsque les auteur.e.s calculent que le solaire photovoltaïque pourrait fournir 23% de l’énergie mondiale d’ici 2040, ExxonMobil en prévoit seulement 11%. Idem pour les véhicules électriques. Ils pourraient représenter un tiers du marché des transports routiers en 2035. La compagnie pétrolière BP n’estime leur proportion qu’à 6% à la même date.
Déni de réalité
Les scénarios établis par les grandes entreprises "servent leur cause", explique à Novethic Luke Sussams, de Carbon Tracker. Conclure que l’essor des voitures électriques et de l’énergie solaire pourrait mettre un terme à la croissance des marchés du pétrole et du charbon à partir de 2020 jette le doute sur la "viabilité des investissements destinés à développer les énergies fossiles". Raison pour laquelle elles pratiquent la politique de l’autruche.
Et pourtant, cela a un impact direct sur ces entreprises. Cette attitude les empêche d’anticiper. Les auteur.e.s du rapport rappellent à ce propos l’effondrement de l’industrie du charbon aux États-Unis ou la perte de 100 milliards d’euros des cinq principaux fournisseurs européens entre 2008 et 2013. Pourquoi ? "Parce qu’ils n’étaient pas préparés à une croissance de 8% du marché des énergies renouvelables, à laquelle le solaire photovoltaïque a fortement contribué".
"Ces technologies bas carbone sont sur le point d’atteindre le seuil critique bien plus tôt que beaucoup d’entreprises ne s’y attendent", prévient le directeur de recherche à Carbon Tracker, James Leaton.
Actualiser les scénarios
Les deux instituts appellent donc les entreprises des énergies fossiles à actualiser leurs scénarios. D’abord en intégrant à leurs calculs "les derniers chiffres et les trajectoires de réduction des coûts des technologies à faibles émissions de carbone", précise Luke Sussams. La semaine dernière, une étude de l’Ademe affirmait que l’éolien, le photovoltaïque et le bois énergie atteignaient "un niveau de coût compétitif avec les technologies conventionnelles".
Ensuite, en insérant dans leurs scénarios les engagements pris par les pays dans le cadre de l’Accord de Paris. "Il n’y a pas de business as usual dans le secteur de l’énergie. Il est donc temps que ce scénario soit abandonné", conclut James Leaton.