Publié le 7 août 2025

Le Conseil constitutionnel a censuré ce jeudi 7 août la disposition la plus contestée de la loi Duplomb qui prévoyait la réintroduction sous conditions d’un pesticide interdit de la famille des néonicotinoïdes. Les Sages l’ont jugée contraire à la Charte de l’environnement.

Dans une décision particulièrement attendue, le Conseil constitutionnel a décidé de censurer la réintroduction d’un néonicotinoïde nommé acétamipride, mesure phare de la très décriée loi Duplomb. Ce pesticide est interdit en France depuis 2020, mais autorisé en Europe jusqu’en 2032. Le texte visait à le réautoriser sous conditions, à la demande notamment de la FNSEA, principal syndicat agricole.

La loi, adoptée le 8 juillet, avait entraîné contre elle une forte mobilisation. Une pétition réclamant son abrogation a réuni plus de 2,1 millions de signatures, un record. En parallèle, les quatre groupes de gauche de l’Assemblée nationale avaient immédiatement saisi le Conseil constitutionnel. Quelques jours plus tard, une douzaine d’associations avaient également déposé une contribution commune auprès du Conseil constitutionnel afin de soutenir les saisines des parlementaires et faire censurer plus de la moitié de la loi.

Encadrement insuffisant

Se référant à la Charte de l’environnement, le Conseil censure ainsi l’article qui donne la possibilité de déroger à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes. Les Sages pointent notamment du doigt le fait que la dérogation soit instaurée pour toutes les filières agricoles, sans les limiter à celles pour lesquelles le législateur aurait identifié une menace particulière dont la gravité compromettrait la production. Ils dénoncent aussi le fait que la dérogation ne soit pas accordée à titre transitoire pour une période déterminée et qu’elle puisse être décidée pour tous types d’usage et de traitement y compris ceux qui, recourant à la pulvérisation, présentent des risques élevés de dispersion des substances.

Le Conseil en a déduit que “faute d’encadrement suffisant les dispositions déférées méconnaissaient le cadre défini par sa jurisprudence, découlant de la Charte de l’environnement”, précise un communiqué. Quelques minutes après l’annonce des Sages, l’Élysée a annoncé qu’Emmanuel Macron “a pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel” et “promulguera la loi”, sans l’article censuré. Il devra le faire sous quinze jours.

Le Conseil constitutionnel a aujourd’hui joué un rôle décisif dans la protection de la santé et de l’environnement” a immédiatement réagi l’association Générations futures. “Le Conseil rappelle ce que des milliers de chercheurs, scientifiques et médecins, ainsi que nos associations affirment, à savoir que les produits en cause ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux, ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine”, poursuit-elle.

“Le doute n’est pas raisonnable”

De nombreux scientifiques et médecins tirent la sonnette d’alarme depuis des mois. Fin juillet, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) avait ainsi pris position contre la loi. “Nous déplorons l’écart persistant entre les connaissances scientifiques disponibles et les décisions réglementaires. Ce décalage compromet l’application effective du principe constitutionnel de précaution”, regrettait le Cnom.

Sur le plan médical, nous affirmons que le doute n’est pas raisonnable lorsqu’il s’agit de substances susceptibles d’exposer la population à des risques majeurs: troubles neuro-développementaux, cancers pédiatriques, maladies chroniques. Ces alertes ne peuvent être ignorées”, insistait l’instance. Dans une tribune, des sociétés savantes et associations de patients avaient également appelé le Conseil constitutionnel à rejeter le texte. Ils ont en partie été entendus.

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