Publié le 2 août 2025

Que deviennent les panneaux solaires usagés et les éoliennes démontées ? En France, la filière du recyclage s’est rapidement structurée et décolle peu à peu tandis que le réemploi a été relégué au second plan et tente aujourd’hui d’émerger. Voici le troisième et dernier épisode de notre série consacrée au recyclage des outils de la transition énergétique.

On nous demande de laver plus blanc que blanc”, peste un acteur des énergies renouvelables. Alors qu’il se targue de produire de l’énergie propre, le secteur est sous pression, scruté de près par ses détracteurs. La question de la fin de vie des éoliennes et des panneaux solaires s’est donc rapidement posée. Et c’est sur le recyclage que les efforts ont été déployés, avec une règlementation stricte et ambitieuse mise en place dès les années 2010-2015 pour encadrer la remise en état des sites d’exploitation, mais aussi assurer des taux de recyclage qu’aucune autre filière n’est capable d’égaler. “Les taux de recyclabilité sont très élevés, de 95 à 100%. Ce sont des performances rarement atteintes dans les autres filières industrielles avec des taux de recyclage de l’ordre de 60% pour un frigo ou une voiture, ou 70% dans l’aéronautique”, constate pour Novethic Rachel Ruamps, responsable des affaires économiques et industrielles de France renouvelables.

Anticipant la fin de vie des premiers parcs éoliens et solaires, les filières de recyclage se sont donc structurées et décollent peu à peu. En 2024, un premier bond a été constaté pour les panneaux solaires avec près de 9 500 tonnes collectées, deux fois plus que l’année précédente. Du côté des éoliennes, le premier parc a été démantelé en 2019, et une centaine de machines sont démontées par an avec un rythme de croisière qui devrait atteindre les 300 éoliennes démontées par an, au fur et à mesure que les contrats de rachats d’électricité arrivent à leur terme (environ 20 ans).

Pale d’éolienne entièrement recyclable

La grande majorité des composants d’un panneau solaire ou d’une éolienne sont recyclables comme le béton ou l’acier et des innovations sont en cours pour les matériaux critiques et les pâles d’éoliennes constituées de fibre de verre. Près de Grenoble, l’entreprise Rosi Solar a inauguré en 2023 sa première usine pour extraire le silicium, l’argent, et le cuivre des panneaux solaires en développant une méthode innovante de décomposition et de récupération des composants. “La France est le seul pays à savoir le faire au niveau industriel“, précise Nicolas Defrenne, directeur général de Soren, l’éco-organisme chargé de collecter les panneaux solaires.

Les industriels travaillent aussi sur l’écoconception des pâles d’éoliennes, celles-ci étant aujourd’hui majoritairement vouées à l’incinération. Le projet Zebra, qui réunit un consortium d’entreprises françaises et l’Institut de recherche technologique Jules Verne, a abouti à la création d’une pale d’éolienne entièrement recyclable, réduisant de 30% les émissions de CO2 par rapport à un modèle classique.

Les freins technologiques en passe d’être levés, le principal enjeu reste le modèle économique alors que les matériaux recyclés ne trouvent pas toujours de débouchés, ou pas au bon prix. “La fibre de verre neuve par exemple coûte deux fois moins cher que recyclée, pointe Benoît Comfaits, à la tête du cabinet conseil BCP spécialisé dans la transition énergétique. Il faut travailler sur des règlementations fixant des taux d’introduction de matière recyclée dans les filières de production.”

Faire matcher les éoliennes

Mais si on parle beaucoup de recyclage, il reste un éléphant dans la pièce : le réemploi. Alors que les petites annonces pour des panneaux solaires de seconde main se multiplient sur les sites de ventes entre particuliers, la pratique reste peu encadrée et marginale, autour de 1% du flux, avec un seul site dédié en France. L’objectif serait toutefois de la porter entre 5 et 7% dans les prochaines années. “Pour cela, il est nécessaire de structurer le marché“, estime Nicolas Defrenne. Soren y consacre un fonds de 3 millions d’euros et a lancé un appel à projets pour créer de nouvelles lignes de réemploi des modules solaires. “Il faudrait aussi réfléchir à une sorte de contrôle technique pour garantir leur utilisation”, poursuit-il.

Chez Renvo, on y croit dur comme fer au réemploi. La jeune pousse montpelliéraine, lancée il y a un an par deux spécialistes du secteur, travaille à faire matcher éoliennes démontées et nouveaux projets de parcs, en ayant le moins possible recours au recyclage, “une voie de garage”, “un gros mot” pour  Nicolas Vrécourt, le co-fondateur. “On a fait les choses à l’envers en misant avant tout sur le recyclage. Le marché est dominé par des sociétés de travaux qui prennent en charge le démantèlement mais qui ne sont pas connectées aux développeurs de projets, tuant dans l’œuf les meilleures pistes de réemploi, poursuit-il. On tente de tacler ce modèle-là, mais ça demande beaucoup de pédagogie et de l’anticipation”. 

Le marché de la seconde main est dynamique, reconnaît Suez qui vient de lancer une plateforme de pièces détachées d’occasion. Mais le réemploi y est encore une exception. “On est en contact avec des entreprises spécialisées dans le placement de ces éoliennes de seconde vie et avant de faire le découpage des éoliennes, on regarde s’il y a une possibilité de leur donner une seconde vie. Mais sur 30 éoliennes démantelées par an par Suez, seule une poignée sont vendues pour être réutilisées”, explique Marc Ferreol directeur général de la division démantèlement. Il pointe là encore le difficile équilibre économique. Peu à peu cependant, la réglementation évolue. Les cahiers des charges des appels d’offre n’autorisent les machines de seconde main que depuis 2023.

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