C’est la dégringolade pour l’industrie automobile. Incertitudes réglementaires, transition vers le véhicule électrique, concurrence chinoise, augmentation des tarifs douaniers américains… Les constructeurs européens encaissent plusieurs chocs à la fois ces derniers mois. Avec des effets sur leurs comptes de résultat. Le groupe Stellantis (Peugeot, Citroën, Fiat, Chrysler, etc.) a ainsi annoncé une perte de quelque 2,3 milliards d’euros sur le premier semestre 2025 et un chiffre d’affaires en recul de 12,5%.
Le groupe franco-italo-américain blâme notamment les nouveaux tarifs douaniers américains, qui ont eu un impact négatif de 300 millions d’euros sur ses résultats. Mais il a aussi enregistré une charge de 3,3 milliards d’euros liée à des coûts de restructuration de son outil industriel, à des abandons de certaines plateformes et technologies, comme l’hydrogène, ainsi qu’aux effets de la réglementation européenne sur les émissions des véhicules.
Faiblesse de la demande
Quelques jours plus tôt, Renault avait aussi annoncé être tombé dans le rouge. Mi-juillet, Duncan Minto, le directeur financier du groupe et directeur général par intérim en remplacement de Luca de Meo, annonçait que la marge opérationnelle serait 0,9 point inférieure aux prévisions des analystes et le flux de trésorerie plus bas que prévu. L’action Renault a aussitôt dévissé de près de 18% en Bourse.
La faiblesse de la demande de voitures en Europe, notamment en France où les achats de véhicules neufs ne cessent de dégringoler depuis plusieurs mois, explique en partie ces résultats. Les constructeurs européens s’en prennent depuis plusieurs mois à la réglementation européenne sur les émissions de véhicules, notamment à l’échéance de 2035 à partir de laquelle la vente de voitures neuves à moteur thermique sera interdite. Ola Källenius, le patron de Mercedes et président de l’ACEA, le lobby de l’industrie automobile européenne, a publié une tribune dans The Economist le 16 juillet appelant à plus de flexibilité dans la réglementation européenne. Oliver Zipse, le dirigeant de BMW, a de son côté qualifié la politique européenne de “désastre complet“.
Voiture électrique : les automobilistes attendent le feu vert
Un rapport de Transport & Environment vient au contraire contredire le discours des constructeurs. “L’échéance de 2035 est vue comme une contrainte, alors qu’en fait il s’agit d’une incitation à l’investissement“, rappelle Léo Larivière, responsable transition automobile de T&E France. L’ONG a évalué l’impact du maintien de l’objectif de 2035, associé à une politique industrielle volontariste de l’Union européenne pour assurer la transition du secteur. Selon elle, la production automobile européenne pourrait retrouver ses niveaux de 2016, avec 16,8 millions de voitures produites par an d’ici 2035. La contribution de l’industrie automobile à l’économie européenne pourrait augmenter de 11% et l’emploi regagner près de 100 000 postes pour la production de batteries et 120 000 pour la recharge.
Structurer toute la filière
Les mesures sont connues : généralisation des aides à l’achat, électrification des flottes d’entreprises, accompagnement de la filière pour la production de batteries, incitation à s’approvisionner en Europe, etc. “Les politiques publiques ont cependant été jusque-là plus fortement orientées sur le soutien aux constructeurs et moins à la structuration de la filière“, constate Léo Larivière, en rappelant notamment l’étalement sur trois ans de la réglementation sur les émissions dont les constructeurs ont bénéficié cette année.
Cette proposition de l’ONG va aussi à l’encontre de la stratégie des constructeurs, qui a consisté à faire monter en gamme leurs véhicules, vers des SUV plus coûteux pour les automobilistes et plus rémunérateurs pour les industriels, et délocaliser la production des petites voitures dans des pays à bas coût. “Cette stratégie a fonctionné, les constructeurs européens ont enregistré de très bons résultats, mais qui n’ont pas été réinvestis suffisamment dans la préparation à la transition. Ils sont aujourd’hui en retard sur l’électrification et se trouvent face à un mur“, reprend le représentant de T&E.
Les résultats semestriels des deux constructeurs tricolores seraient-ils l’un des signes avant-coureurs de ce mur ? Pour enrayer la baisse des volumes, la filière automobile européenne va devoir donner confiance dans sa capacité à réussir sa transition vers l’électrique. Au risque de laisser le marché aux constructeurs chinois, en pointe sur le sujet.