Publié le 28 juillet 2025

Pétition, saisines du Conseil consitutionnel, niches parlementaires, tribunes… La pression s’accentue autour de la loi Duplomb, qui vise la réautorisation d’un néonicotinoïde. Le mouvement pourrait même aller jusqu’à un boycott des produits. Explications.

Alors que la pétition contre la loi Duplomb a fait exploser les compteurs, avec plus de 500 connexions par minute lors des pics et plus de deux millions de signatures en un temps record, la mobilisation contre ce texte décrié pour son impact environnemental et la réintroduction d’un néonicotinoïde nommé acétamipride, s’amplifie à travers diverses formes.

La semaine dernière, une douzaine d’associations ont déposé une contribution commune auprès du Conseil constitutionnel afin de soutenir les saisines des parlementaires et faire censurer plus de la moitié de la loi. Après l’adoption définitive du texte, le 8 juillet, les quatre groupes de gauche de l’Assemblée nationale avaient en effet saisi le Conseil constitutionnel. Celui-ci a annoncé qu’il rendra sa décision “a priori” dans deux semaines. Soit le 7 août.

Niches parlementaires

En cas de feu vert, le président de la République devra promulguer la loi sous quinze jours, en plein cœur de l’été, loin des regards des Français. Ou alors, et c’est la voie réclamée par la gauche et les militants écologistes, il peut surseoir à la promulgation et demander au Parlement une deuxième délibération, ce qui ferait tout redémarrer à zéro.

Du côté des opposants au texte, on se prépare aussi à utiliser les niches parlementaires pour déposer une proposition de loi visant à abroger “les graves reculs de la loi Duplomb”. “Chaque groupe du Nouveau front populaire aura comme texte l’abrogation” de cette loi, assure la députée écologiste Sandrine Rousseau. En marge de cette bataille politique, l’objectif est de maintenir la pression.

Le 24 juillet, un collectif de près de 400 chefs cuisiniers et acteurs de la restauration dont Chloé Charles, Mauro Colagreco et Olivier Roellinger, ont eux aussi appelé au retrait de la loi Duplomb, dans une tribune publiée dans Le Monde. “Nous faisons ce métier pour nourrir, pas pour empoisonner”, lancent-ils. Ils appellent à un moratoire sur l’usage des pesticides en France ainsi qu’à “un véritable plan de transformation de notre système alimentaire pour l’orienter vers une agriculture et une alimentation durables”.

Des alternatives existent

Du côté des acteurs engagés, le Mouvement Impact France, aux côtés de cinq représentants d’agriculteurs, d’entreprises et de distributeurs du secteur, appelle dans un communiqué commun et inédit à “un sursaut collectif”. “Nous regrettons une décision qui fragilise les acteurs qui investissent et s’engagent depuis des années dans la transition agro-écologique”, écrivent-ils.

Egalement signataire, le collectif En vérité, qui regroupe 60 marques engagées dans les transformations alimentaires, a lancé un travail de recensement des protocoles de culture en termes de traitement auprès de ses adhérents, eux aussi concernés par la loi Duplomb. “L’objectif est d’identifier l’utilisation de ce pesticide, travailler sur des alternatives et monter des pilotes afin de pouvoir aboutir à un étiquetage du type produit sans/avec acétamipride“, explique à Novethic Sébastien Loctin, cofondateur du collectif.

Au sein de l’initiative, des acteurs sont déjà engagés à produire sans pesticides à l’instar de la coopérative Biocoop. Alors que le retour de l’acétamipride est notamment exigé par une partie des producteurs de betterave sucrière, la coopérative assure disposer d’une production en bio déjà en œuvre en France, sans traitements chimiques. “Nous démontrons chaque jour qu’il est possible de produire massivement des betteraves sans traitements chimiques de synthèse, souligne Biocoop. Le débat parlementaire a oublié que des alternatives fonctionnent déjà.”

Vers un boycott ?

Et pour favoriser ces alternatives, certaines organisations environnementales entendent aller plus loin et n’hésitent pas à brandir la menace d’un boycott. “Dans les prochains jours, nous allons écrire aux industriels pour obtenir leur engagement à ne pas utiliser de néonicotinoïdes”, confie à Novethic Stephen Kerkhove, délégué général d’Agir pour l’environnement. “L’objectif n’est pas d’embêter les agriculteurs mais de viser les produits avec acétamipride provenant de Turquie et d’Italie”, complète Jacques Caplat, coordinateur des campagnes agriculture et alimentation pour l’association.

L’intention est louable mais inapplicable car il est impossible de retrouver des traces de résidus dans le sucre”, réagit pour Novethic Bruno Cardot, agriculteur betteravier dans l’Aisne, qui défend la réautorisation de l’acétamipride pour une période limitée. “Nous avions simplement besoin d’appuyer sur pause afin de trouver des alternatives, à un moment où les usines ferment en France – 20 sucreries en France contre 25 en 2019-2020 – et les importations de sucre augmentent. Car il ne faut pas être dupes, tout ce qu’on interdit, on l’importe”, se désole le sucrier qui appelle à travailler “tous ensemble” pour une meilleure traçabilité.

Reste que selon les dernières données publiées mi-juillet par Cultures sucre, la France est toujours numéro 1 pour la production de sucre betteravier en Europe, avec une production en hausse de 9,5% en un an, et ce malgré l’interdiction de l’acétamipride. Selon une estimation de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH), 1,5% de la surface agricole serait aujourd’hui concernée par la loi Duplomb. “Elle est selon nous un cheval de Troie pour mettre un frein à l’ambition environnementale française et réussir à éviter les futures contraintes plutôt qu’à lever les existantes”, résume Enzo Armaroli, responsable agriculture au sein de la FNH.

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