Publié le 30 juin 2025

Le mouvement global de recul sur le télétravail touche de plus en plus la France. Derniers exemples en date, Free et Société Générale souhaitent tous deux réduire la voilure. Au risque de mettre le feu aux poudres. Fortement opposés à ces réorganisations, syndicats et salariés se mobilisent, craignant un plan social déguisé.

Après Barclays, JP Morgan ou Goldman Sachs, c’est au tour des banques françaises de faire marche arrière sur le télétravail. Le 19 juin, la Société Générale a en effet annoncé sa volonté de réduire le nombre de jours en distanciel pour l’ensemble de ses collaborateurs. Selon un mail interne envoyé par Slawomir Krupa, son dirigeant, seule une journée sera désormais autorisée chaque semaine, contre deux actuellement. Pour le groupe bancaire, il s’agit “d’harmoniser les pratiques de travail” entre les différentes équipes et d’“accélérer la transformation [du] groupe, favoriser [son] développement et, en fin de compte, améliorer [sa] performance”.

Mais les représentants du personnel ne l’entendent pas de cette oreille. Dans un communiqué, la CFDT, la CFTC et la CGT dénoncent une “décision brutale, unilatérale et floue du comité exécutif”, sans “concertation”, alors que le télétravail fait l’objet d’accords signés en 2021. Dans la foulée, l’intersyndicale a appelé à un mouvement de grève nationale le vendredi 27 juin, une date “décisive pour beaucoup d’opérations bancaires”, à la veille d’un week-end de fin de mois. Qualifiée d’“inédite”, la mobilisation aurait réuni jusqu’à 80% des employés de la Société Générale Securities Services (SGSS) ou encore 90% des collaborateurs de la filiale Global Transaction & Payment Services (GTPS), rapportent les organisations syndicales.

Une journée “Tous sur site”

Car le télétravail fait maintenant partie des acquis des employés, qui pointent les conséquences sur la qualité de vie et l’organisation familiale d’un potentiel retour au bureau. “Nous avons déjà des amplitudes horaires importantes et cette mesure va rendre très difficile la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle”, témoigne un salarié en réponse à un sondage mené par la CGT sur la question. “Je suis maman seule d’un enfant autiste et c’est le télétravail qui me permet de continuer à travailler”, commente une autre collaboratrice.

Pour faire entendre ces revendications, les syndicats ne comptent pas en rester là : le 3 juillet prochain, ils organisent une journée “tous sur site” afin de démontrer l’impossibilité logistique de la mesure. “Il n’y a même plus assez de places pour accueillir tous les salariés dans le cadre d’un retour massif sur site. Au-delà du nombre de chaises, les conditions de travail ont toutes été calibrées pour télétravailler”, soulignent-ils. Alors pourquoi un tel choix ? “Ce passage en force intervient dans un contexte de tensions sociales déjà fortes, marqué par les restructurations, les suppressions de postes et les transformations incessantes”, estime FO.

La situation n’est pas sans rappeler celle d’Ubisoft. En fin d’année dernière, l’annonce d’un retour en présentiel trois jours par semaine avait mis le feu aux poudres alors que l’entreprise traversait déjà une crise sociale. “C’est un plan social déguisé”, alertait alors l’un des délégués syndicaux de l’éditeur de jeux vidéo. Du côté de la Société Générale, les craintes sont similaires. “De manière très cynique, je me demande si cela ne traduit pas une volonté d’inciter certains à démissionner, d’avoir des départs à moindre coût. Des salariés vont probablement partir car cela change la façon dont ils conciliaient vie privée vie pro”, explique aux Echos Khalid Belhadaoui, délégué national à la CFDT.

“Dégradation du dialogue social”

Et le groupe bancaire est loin d’être le seul à tenter un retour en arrière sur le sujet. Hasard du calendrier, les salariés de Free voient eux aussi leur quota de journées en télétravail remis en question. Au travers d’une nouvelle charte, l’opérateur a annoncé vouloir réduire la voilure, limitant le distanciel à six jours par mois, contre huit actuellement, dont deux vendredis maximums. Autre changement, le télétravail sur deux jours consécutifs sera interdit. Une réorganisation “nécessaire”, ayant “fait l’objet d’une consultation auprès des partenaires sociaux” selon la direction.

Cette nouvelle limitation concernerait 15% des effectifs ayant la possibilité de travailler à distance, avec quelques exceptions, comme les employés en situation de handicap ou les salariées souffrant d’endométriose. Mais là aussi, la pilule a du mal à passer. Demandant le retrait de la charte, les syndicats FO et Printemps écologique ont déposé un préavis de grève démarrant le 1er juillet. Huit entités sont appelées à participer, dont Freebox, Iliad SA et Free Réseau. “Malgré les alertes des représentants du personnel, les échanges en instances et les multiples interpellations, la direction reste sourde aux revendications”, affirment les deux syndicats qui observent une “dégradation du dialogue social”.

En décembre 2024, déjà, les équipes s’étaient mobilisées contre un retour au bureau des salariés travaillant au sein des centres d’appels et du service relation abonnés. La direction avait invoqué à l’époque une cyberattaque pour justifier cette décision, les connexions à distance ayant créé une faille de sécurité. Interrogée par Ici Provence, Annabel Ros, représentante CGT, questionnait néanmoins le véritable motif de l’opération. “On sent qu’il y a une volonté de pousser les salariés vers la sortie, sans en avoir l’air”, s’inquiétait-elle.

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