Sans surprise, les députés ont voté contre la proposition de loi Grémillet ce mardi 24 juin, à 377 voix contre, 142 voix pour. Le texte qui devait permettre de tenir un débat au Parlement sur l’avenir énergétique de la France pour la prochaine décennie a tourné au fiasco. La semaine dernière, les députés avaient provoqué un tollé en adoptant un moratoire immédiat sur tout nouveau projet éolien et photovoltaïque. L’amendement déposé par Les Républicains et soutenu par le Rassemblement national a pu passer en raison de l’absence des députés de la majorité et de la gauche dans l’hémicycle.
Marc Ferracci, le ministre de l’Industrie et de l’Énergie, avait immédiatement dénoncé un vote “dévastateur“, et le rapporteur du texte Antoine Armand (Renaissance) une “catastrophe économique”. La filière des renouvelables a également dénoncé cette mesure. “Au nom de l’ensemble de la filière électrique (…), nous vous appelons solennellement – mais à regret – à voter contre ce texte”, indiquait, dans une lettre ouverte aux députés, l’Union française de l’électricité, qui compte parmi ses membres EDF, TotalEnergies ou Engie.
“Signal clair”
De la même façon, les députés avaient également adopté un amendement qui prévoyait la réouverture de Fessenheim, la centrale nucléaire fermée en 2020, et ce alors que son démantèlement a déjà débuté. Le texte prévoyait en outre d’aller plus loin sur le nucléaire que le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) du gouvernement, avec un objectif de 27 gigawatts de nouvelles capacités installées d’ici 2050, qui viennent s’ajouter aux 63 gigawatts déjà actés. Enfin, concernant les objectifs climatiques, la proposition de loi appelait à tendre vers une réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre et non plus à les “réduire“.
“En rejetant majoritairement cette proposition de loi de programmation énergétique, l’Assemblée nationale a adressé un signal extrêmement clair à l’extrême droite et à son désir de saborder les énergies renouvelables, ainsi que les dizaines de milliers de salariés engagés dans la réussite d’une transition énergétique nécessaire et indispensable. Le moratoire sur les énergies renouvelables, porté par l’extrême droite avec le soutien de la droite, aurait mis en péril une filière industrielle locale qui œuvre quotidiennement à la souveraineté énergétique nationale”, réagit Agir pour l’environnement.
Décret à la fin de l’été ?
L’objectif du texte, rédigé par le sénateur Daniel Gremillet (LR), visait à combler le défaut d’une loi de programmation énergétique soumise au Parlement par le gouvernement. La loi climat de 2019 fixait en effet le principe d’une loi quinquennale sur l’énergie à partir de 2023, ce que le gouvernement a voulu contourner face aux clivages sur la question énergétique en adoptant un décret sans passer par le Parlement. Il avait cependant dû faire marche arrière, alors que le RN brandissait la menace d’une motion de censure sans débat sur l’énergie. Le gouvernement avait donc décidé en avril de repousser la publication du décret sur la PPE pour 2025-2035, et d’inscrire à l’agenda de l’Assemblée le texte du sénateur des Vosges, assurant que les débats permettraient d’inspirer le décret.
Report de la PPE : “François Bayrou enterre l’avenir des filières renouvelables”
Marc Ferracci, le ministre de l’Industrie et de l’Énergie a toutefois affirmé avant le débat à l’Assemblée que le décret serait bien publié avant la fin de l’été, même si la navette parlementaire n’était pas terminée. Le texte de loi doit désormais être renvoyé à la Chambre haute dans sa version initiale pour une deuxième lecture et une commission mixte paritaire (CMP), composée de sept sénateurs et de sept députés chargés de récrire le texte, sera convoquée. En consultation depuis deux ans, la dernière mouture du décret de PPE présentée en mars avait déjà revu à la baisse les objectifs concernant le photovoltaïque. Les ambitions du gouvernement vont-elles encore une fois être revues à la baisse ? Jusqu’où le gouvernement prendra-t-il en compte les débats houleux qui se sont tenus à l’Assemblée ?