Une entreprise européenne sur deux a désormais aligné entièrement ou partiellement ses discours publics avec la science climatique. C’est ce que révèle le dernier rapport réalisé auprès d’un échantillon de près de 200 entreprises européennes et 80 associations professionnelles et publié par InfluenceMap, association experte de l’action climatique des acteurs privés. En 2019, ce chiffre n’était que de 24%, preuve que les entreprises européennes ont pris conscience ces dernières années de la nécessité de s’aligner avec les objectifs de transition climatique.
“Les entreprises du secteur privé […] considèrent de plus en plus la politique climatique comme un enjeu stratégique de long terme essentiel”, analysent les auteurs, qui constatent notamment que ces dernières affichent un soutien public de plus en plus marqué sur les différentes directives européennes liées à la transition climatique.
Soutien aux objectifs climatiques et au Green Deal
Notamment, la loi climatique européenne, la directive sur la performance énergétique des bâtiments, la directive énergies renouvelables ou celle sur l’efficacité énergétique sont désormais massivement soutenues par les entreprises européennes, qui s’appuient de plus en plus sur ce cadre règlementaire. “Une part de plus en plus importante des acteurs privés alignent leur lobbying sur la science et s’en servent comme d’un outil pour orienter les investissements stratégiques notamment dans la transition énergétique”, explique ainsi Dominic Gogol, directeur des engagements au sein de la We Mean Business Coalition, lors de la présentation du rapport. Parmi les entreprises qui affichent des scores positifs d’influence en matière climatique, on retrouve ainsi EDF, Ørsted, Alstom, ou encore Schneider Electric.
“Ces résultats contrastent avec les récents développements politiques et économiques en Europe et dans le monde, qui peuvent sembler déprioriser l’agenda climatique“, analysent les auteurs, alors que depuis plusieurs mois, l’ambiance est plutôt au backlash en matière de transition énergétique. Le rapport pointe d’ailleurs le rôle joué par les grandes associations professionnelles dans ce mouvement de recul. “Les associations industrielles intersectorielles […] notamment en France (Medef), en Espagne (Confédération espagnole des organisations patronales), en Italie (Confédération de l’industrie italienne) et en Allemagne (Fédération des industries allemandes), sont parmi les voix les plus négatives sur la politique climatique” selon le rapport.
Un lobbying influencé par les énergies fossiles
Si le lobbying des associations professionnelles est en décalage avec les engagements de nombre d’entreprises européennes, c’est, selon InfluenceMap à cause de “l’effet du plus petit dénominateur commun” : les associations industrielles laissent leurs positions être dictées par une petite minorité de leurs membres. Des entreprises “souvent issues de la chaîne de valeur des combustibles fossiles qui s’attaquent le plus fortement aux propositions réglementaires visant à lutter contre le changement climatique.” Parmi les entreprises qui affichent des scores de lobbying climatiques négatifs, on retrouve ainsi celles qui sont liées aux énergies fossiles, à l’aviation ou encore les grandes industries polluantes, et des entreprises comme Stellantis, Lufthansa, le producteur d’énergies polonais PGE, le géant minier Glencore, ou encore le chimiste BASF.
Des entreprises et associations professionnelles qui poussent dans l’espace public des narratifs faisant de la transition climatique un frein à la compétitivité, et qui “semblent avoir exercé une influence significative sur le programme politique climatique de la Commission européenne pour 2024-2029”, indiquent par ailleurs les auteurs. Depuis plusieurs mois, les parties prenantes européennes alertent d’ailleurs de leur côté sur les processus opaques d’influence au sein des instances européennes et réclament plus de transparence.