Publié le 15 mai 2025

C’est une nouvelle victime du contexte géopolitique et de l’abandon progressif de l’ambition européenne en matière environnementale. Après avoir déjà été reporté d’un an, le règlement européen contre la déforestation ne devrait pas être trop exigeant envers des pays comme le Brésil ou l’Indonésie, malgré leur implication majeure dans la déforestation importée sur le continent.

Risque de déforestation faible pour les Etats-Unis, standard pour le Brésil et l’Indonésie, et élevé pour la Russie, le Belarus, la Corée du Nord et le Myanmar. Voici en substance à quoi devrait ressembler la classification des pays à risque en matière de déforestation dans le cadre du Règlement européen sur la déforestation (RDUE) qui vise à interdire la vente dans l’UE de produits provenant de terres déboisées depuis 2020.

Cette liste, qui doit être rendue publique d’ici la fin du mois de juin, a été approuvée par tous les États membres lors d’une réunion le 30 avril dernier, révèle le média Euractiv. Il cite trois diplomates européens qui assurent que seuls quatre pays – la Biélorussie, la Corée du Nord, la Birmanie et la Russie – figureront sur la liste noire. “Les vrais méchants”, a déclaré l’un d’eux. Ce sont donc ces pays qui se verraient imposer les règles de traçabilité les plus exigeantes.

Le Brésil épargné

“Ces 4 pays ne sont pas le Brésil, l’Indonésie, la RDC ou la Bolivie (les 4 pays où la déforestation est la plus élevée) ! Vu les échanges commerciaux assez limités, la portée pratique de cette mesure laisse songeur, mais le message politique est clair : le fait d’être des adversaires géopolitiques a plus d’importance que les critères objectifs en matière de déforestation”, commente Alain Karsenty, chercheur au Cirad, spécialiste du sujet.

Pour l’ONG Global Witness, il est en effet regrettable que le Brésil ne soit pas classé à haut risque, alors que “la crise de la déforestation touche des forêts essentielles pour le climat en Amazonie”. Le Brésil compte en effet parmi les pays les plus concernés par la déforestation importée sur le continent européen pour la production de soja ou encore de viande. Mais il a également été très actif pour dénoncer le règlement européen.

“Tout ça pour ça ?”, s’insurge également Mathilde Dupré, co-directrice de l’Institut Veblen. “Si elle était confirmée, une telle approche irait à rebours d’un exercice de classification rigoureux fondé sur des critères objectifs de risques que nous appelions de nos vœux dans un courrier signé avec 40 ONG en janvier dernier”, ajoute-t-elle.

“Chercher des alliés”

Pour l’Union européenne, la priorité a donc consisté à préserver ses relations diplomatiques et commerciales. Un choix “qui n’est pas surprenant”, pour Alain Karsenty, “dans le contexte actuel de détricotage des règlements en faveur de l’environnement et en ces temps de conflits commerciaux déclenchés par les Etats-Unis, et qui conduisent l’UE à chercher des alliés ou, à minima, à éviter de se fâcher avec de grands partenaires commerciaux des pays émergents”, explique-t-il dans un post Linkedin.

Le règlement contre la déforestation a fait l’objet de vives critiques tout au long de l’année dernière, du Brésil, des Etats-Unis et même de l’Allemagne, ce qui a mené au report d’un an de sa mise en application, de fin 2024 à fin 2025. Avec ce texte, les entreprises importatrices de produits tels que le cacao, le café, le soja, l’huile de palme, le bois ou encore le caoutchouc devront prouver leur traçabilité via des données de géolocalisation fournies par les agriculteurs, associées à des photos satellitaires.

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