Publié le 22 avril 2025

L’inquiétude monte chez les acteurs du textile français. Suite à l’explosion des droits de douane imposés par les Etats-Unis, le secteur redoute un afflux massif de vêtements à bas prix en provenance d’Asie vers l’Europe. Face à cette menace, la Commission européenne et le gouvernement français tentent de s’organiser.

La vague Shein et Temu qui déferle sur l’Europe pourrait-elle s’amplifier dans les prochains mois ? Si l’application par les Etats-Unis d’une hausse des droits de douane préoccupe l’ensemble du secteur économique français, la filière textile est tout particulièrement alarmée par les impacts d’une telle mesure. Les articles fabriqués en Europe et envoyés vers les Etats-Unis pourraient en effet être surtaxés de 20%. Mais c’est surtout la perspective d’un effet rebond qui suscite l’inquiétude.

Le président américain Donald Trump a annoncé des taxes s’élevant au minimum à 145% pour les produits venus de Chine et a supprimé les exemptions de droits de douane pour les marchandises dont la valeur est inférieure à 800 dollars. Alors que le marché américain devient moins accessible, le secteur de la mode craint que les fabricants de vêtements et de chaussures fonctionnant sur le modèle de l’ultra fast-fashion ne ciblent davantage le Vieux Continent, en fournissant un afflux massif de produits expédiés depuis l’Asie à des prix encore plus serrés.

“Répercussions significatives”

Début avril, les acteurs du secteur ont confié leurs appréhensions au gouvernement. “Les entreprises chinoises d’ultra fast-fashion pourraient intensifier leurs exportations déjà très intensives vers l’Union européenne”, estime la Fédération française du prêt à porter féminin, qui redoute des “répercussions significatives sur la France”. “Si ce mur tarifaire est établi en Chine, au Cambodge, au Vietnam, il y aura une plus grande offre de vêtements fabriqués en Asie, poussée sur les marchés européens”, analyse Dirk Vantyghem, directeur général de la Confédération Européenne de l’Habillement et du Textile (Euratex) interrogé par EuroNews. “Ainsi, l’impact indirect peut être encore plus grand que la conséquence directe du paiement de 20% de droits de douane sur les marchés américains”, ajoute-t-il.

Les importations textiles en provenance de Chine s’élèvent à 24 milliards d’euros dans l’Union européenne, sur un total de 85 milliards d’euros selon des chiffres partagés par Le Monde. Mais l’Empire du milieu n’est pas le seul pays qui pourrait se tourner vers l’Europe face aux barrières douanières érigées par le président Trump. Le Bangladesh, le Vietnam ou encore le Cambodge, qui exportent d’ores et déjà d’importants flux de marchandises vers les pays européens, pourraient se voir imposer eux aussi une forte augmentation des droits de douane.

Shein, le géant du commerce en ligne chinois dont la popularité ne cesse de croître parmi les consommateurs français, nie de son côté tout changement de stratégie en réaction aux nouvelles mesures américaines. “Lorsqu’on dit que Shein va envahir l’Europe, c’est faux (…) Notre modèle repose sur la production à la demande : nous ne fabriquons que ce que les clients veulent porter”, assure Quentin Ruffat, porte-parole de Shein France auprès de BFM Business.

Popularité en berne

La marque d’ultra fast-fashion et son concurrent Temu ont néanmoins annoncé dans des communiqués respectifs une hausse de prix pour leurs clients américains à compter du 25 avril prochain. Les deux plateformes auraient également revu leur stratégie marketing aux Etats-Unis. Elles auraient toutes deux réduit leurs dépenses publicitaires quotidiennes sur les réseaux sociaux, de 31% pour Temu et de 19% pour Shein. Face à ces changements, la popularité des deux applications auprès des consommateurs américains serait en berne, note le site Boursier.com.

Pour contrer d’éventuelles répercussions, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, évoque dans le Financial Times des “mesures de sauvegarde”. Début février, la Commission avait déjà appelé à l’adoption accélérée d’une réforme douanière présentée en 2023, permettant notamment la suppression de l’exonération de frais de douane aujourd’hui appliquée aux paquets de faible valeur. En France, le ministre de l’Economie Eric Lombard devrait lui aussi annoncer une série de mesures le 29 avril afin d’endiguer ce “flux de marchandises considérable”.

La solution pourrait-elle se trouver dans la loi anti fast-fashion fermement soutenue par le secteur textile français ? “La régulation en France de l’ultra fast-fashion est plus que jamais une réponse nécessaire face aux menaces économiques, commerciales, sociales et environnementales de l’ultra fast-fashion”, insiste dans un communiqué Yann Rivoallan, président de la Fédération Française du prêt-à-porter féminin. L’organisme appelle à un vote rapide du texte, qui sera finalement examiné le 10 juin prochain au Sénat après plusieurs mois d’attente.

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