Publié le 28 novembre 2024

Depuis plusieurs semaines, les structures en charge de la collecte et du tri des vêtements de seconde main alertent sur la crise qu’ils traversent. Surconsommation, baisse de qualité des produits, tarissement des marchés internationaux… Les enjeux sont multiples pour une filière qui est appelée à se transformer.

Des bornes de collectes condamnées aux quatre coins de la France, des sacs de vêtements qui s’entassent et des bénévoles débordés… Du Lot au Finistère, en passant par la Corrèze, de nombreuses associations, entreprises de tri et ressourceries alertent sur une situation qui pourrait relever d’une véritable crise du don textile. Alors qu’elles collectent plus de 260 000 tonnes de vêtements et tissus selon les chiffres de l’année 2023 partagés par l’éco-organisme de la filière Refashion, ces organisations principalement issues de l’économie sociale et solidaire font face depuis quelques semaines à d’importantes difficultés.

“Le département est particulièrement impacté par un déséquilibre entre le volume des dépôts de textile de seconde main et la prise en charge de ceux-ci”, s’inquiètent plusieurs associations du Finistère dans un communiqué. Submergées, certaines d’entre elles se voient contraintes de suspendre leur collecte et demandent aux citoyens de reporter leurs dons. Face à cette saturation, plusieurs raisons sont évoquées, comme la surconsommation de vêtements produits à bas coûts par les géants chinois de l’ultra fast-fashion, qui finissent dans les bornes de collecte après seulement quelques mois faute de qualité.

“La demande se tarit”

Mais c’est avant tout un épuisement des débouchés qui mettrait à mal les réseaux du réemploi. Seule une infime partie de la collecte, composée des vêtements de seconde main les plus qualitatifs, est en effet directement revendue dans les boutiques solidaires des associations. 90% des textiles et chaussures triés, en bon état mais de moindre qualité, sont quant à eux exportés à l’étranger, en particulier vers le continent africain. Un marché qui se ferme progressivement aux négociants européens. “La demande se tarit car les acheteurs se tournent vers d’autres vendeurs. Il y a un retournement de marché”, explique à Novethic Sandra Baldini, directrice du pôle consommation de Refashion.

Les fripes européennes se retrouvent ainsi concurrencées par des vêtements, tout autant neufs que de seconde main, venus d’Asie à très bas prix. “Un conteneur de produits chinois neufs vaut 30% du prix d’un conteneur de vêtements d’occasion européenne, estime Paul-Antoine Bourgeois, co-gérant de Gebetex, une entreprise de tri normande, interrogé par Novethic. On ne peut pas lutter, notre business plan ne tient pas.” Résultat, alors que le réemploi représente une importante source de revenus pour des associations comme Emmaüs ou la Croix rouge, les prix de rachat à l’international s’effondrent. “Alors que l’on valorise la tonne de vêtement recyclé à 7 000 euros dans nos boutiques, elle n’est plus aujourd’hui que de 400 à 500 euros la tonne sur les marchés africains”, témoigne auprès de France 3, Pascal Milleville, directeur de Le Relais Bretagne.

Un modèle en crise

Saturés de fripes qui ne trouvent plus autant preneurs qu’avant, les associations rencontrent par ailleurs une problématique économique. Alors qu’elles se rémunèrent grâce aux vêtements collectés qu’elles revendent par la suite, ces dernières se retrouvent parfois obligées de les donner gratuitement, voire de payer certains partenaires pour qu’ils les récupèrent. “Nous arrivons à la fin d’un modèle. Il faut se dire que nous n’allons plus pouvoir continuer à exporter des vêtements pour le réemploi”, déplore Matthieu Giovannone, président du réseau Tissons la Solidarité qui rassemble 70 organismes de l’économie sociale et solidaire.

Alors, quel avenir pour ces fripes et pour les structures qui en vivent ? “Il va falloir accompagner ce tissu d’acteurs pour entamer une transition d’un modèle social et solidaire à un modèle environnemental du traitement des déchets, fait valoir Sandra Baldini. Il sera important de se coordonner à l’échelle européenne pour s’assurer d’avoir les exutoires et les capacités de recyclage nécessaires pour faire de ces déchets de futures ressources.” Un enjeu majeur alors que les pays membres de l’Union européenne devront à partir du 1er janvier 2025 mettre en place la collecte sélective des textiles destinés au réemploi et au recyclage.

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