Après la large victoire de Donald Trump lors des élections américaines, les indicateurs boursiers ont ouvert en forte hausse à New-York. Signe que les acteurs économiques et financiers voient d’un bon œil le retour au pouvoir du Républicain ? En tout cas, alors que lors de son premier mandat, une partie du monde économique faisait front contre lui, la donne semble avoir largement basculé en 2024. Outre le très visible soutien d’Elon Musk, milliardaire et patron de X et Tesla, un nombre croissant de leaders du monde économique et de l’industrie américaine ont montré une approbation plus ou moins visible vis-à-vis de Donald Trump.
Symboles de l’évolution de la position du monde économique vis-à-vis de Trump : les donations. Alors qu’en 2016 et 2020, le parti démocrate avait perçu plus de dons du monde économique que les Républicains via les PAC (Political Action Committee, organisations qui permettent aux entreprises de financer les partis politiques aux Etats-Unis), la tendance s’est inversée en 2024. De nombreuses entreprises, notamment dans les secteurs industriels les plus polluants, que le candidat a annoncé vouloir soutenir lors de sa campagne, ont ainsi rallié le camp républicain.
Pétroliers, automobile, cryptomonnaies derrière Trump
Parmi elles, des entreprises du secteur pétrolier, séduites par le slogan “Drill baby, drill!” (“Fore, chéri, fore !”) et la politique pro énergies fossiles du désormais président élu, ont ainsi massivement soutenu Donald Trump, donnant selon le New York Times, près de 75 millions de dollars pour sa campagne. A elle seule, l’entreprise Koch, spécialisée dans les activités pétrolières et chimiques, a donné via son PAC plus d’1,6 million de dollars au candidat républicain selon les données de l’organisation Open Secrets, qui rend publiques les données sur les donateurs de la campagne. Parmi les plus gros contributeurs au camp de Donald Trump, on retrouve également les industries automobiles, aéronautiques, ou encore l’industrie du tabac. Autant d’acteurs chez qui le programme de dérégulation économique et de protectionnisme du candidat a trouvé de l’écho.
Mais c’est en réalité le monde business dans son ensemble qui a infléchi sa position depuis 2016. Les groupes d’intérêts du secteur bancaire ont ainsi soutenu le candidat républicain, à l’image du soutien affiché par Stephen Schwarzman, le patron du géant de l’investissement Blackstone, à Donald Trump. Dans la tech également, le virage, a été massif. Alors que la Silicon Valley était traditionnellement un soutien clair des Démocrates, le positionnement des acteurs du secteur a parfois vacillé. Si Microsoft ou Google restent des soutiens plus actifs de Kamala Harris, certains grands acteurs du secteur ont pris parti pour Donald Trump. En plus d’Elon Musk, c’est le cas du co-fondateur de Paypal Peter Thiel, ainsi que de plusieurs investisseurs de la Silicon Valley, dont Marc Andreessen et Ben Horowitz, fondateurs du fonds de capital risque spécialisé a16z.
De nombreuses sociétés du secteur des cryptomonnaies ou de l’intelligence artificielle ont également soutenu Trump, comme le révélait une enquête de la BBC sur le sujet. Il y a quelques semaines, Tim Cook, dirigeant d’Apple, aurait même appelé Donald Trump pour se plaindre des régulations européennes dans le secteur de la tech. Même Mark Zuckerberg, qui était un opposant déclaré à Donald Trump, a fini par mettre de l’eau dans son vin, le qualifiant dans les médias de “badass” (dur à cuire).
“Les entreprises ont peur de prendre des engagements”
Dans le contexte particulier de l’économie américaine, marqué par une forte poussée des positions anti-ESG (Environnement, société et gouvernance), le programme économique de Donald Trump, très pro-business et basé sur la dérégulation massive et la baisse des taxes a su trouver des soutiens nouveaux. Et inversement, dans le monde économique, le front anti-Trump, plus progressiste sur les enjeux sociaux et environnementaux semble plus que jamais affaibli. Si plusieurs dizaines de CEO avaient appelé il y a quelques semaines dans une lettre ouverte à voter pour Kamala Harris, les chefs d’entreprise ou dirigeants économiques ayant pris position sont beaucoup moins nombreux et beaucoup moins vocaux qu’en 2016.
Dans The Guardian, Elizabeth Doty, directrice du groupe de travail sur la politique des entreprises à l’Institut Erb de l’Université du Michigan explique : “Les entreprises ont vraiment peur de prendre des engagements […] car cela les exposerait à des attaques juridiques et à des atteintes à leur réputation.” Il faut dire que ces derniers mois aux Etats-Unis, plusieurs entreprises ont effectivement été attaquées par les mouvements conservateurs américains pour leurs prises de positions progressistes, leurs actions environnementales ou en matière de responsabilité sociale des entreprises. Dans ce contexte “c’est plus que le silence, la situation est glacée” pour les entreprises, qui pour beaucoup, n’osent plus prendre position, selon Elizabeth Doty.
Le silence du monde économique face à Trump
Pour l’heure, en dehors des soutiens déclarés de Donald Trump, le secteur privé est effectivement assez silencieux après l’élection. B-Lab, We Mean Business Coalition, le Carbon Disclosure Projects et les autres coalitions d’entreprises clamant être engagées dans la transition écologique se sont en effet très peu exprimées dans les médias depuis le début de la campagne et n’ont toujours pas vraiment pris position. Seuls quelques acteurs dans le secteur de la transition énergétique s’inquiètent, selon Reuters, d’un possible “ralentissement” des investissements avec la possible remise en cause par le nouveau gouvernement américain de l’IRA, Inflation Reduction Act.
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D’ici quelques semaines, avec le début officiel de la présidence Trump, les reculs en matière ESG ou sur les réglementations sociales et environnementales vont probablement se multiplier. Les entreprises soutiens de Donald Trump, notamment dans les secteurs polluants, ne s’y opposeront probablement pas. Reste à savoir si les autres, celles qui s’étaient mobilisées lors du premier mandat du président Trump, monteront à nouveau au créneau… Ou si, comme de plus en plus d’entreprises, elles s’accommoderont du populisme économique de Donald Trump, qui a séduit encore une fois une majorité d’Américains.