Choc des cultures entre les joueuses de football et la Fédération internationale autour d’un partenariat de sponsoring avec la compagnie pétrolière saoudienne Aramco : “En acceptant le parrainage d’Aramco, la FIFA choisit l’argent plutôt que la sécurité des femmes et de la planète. C’est une chose contre laquelle nous nous opposons ensemble en tant que joueuses”. Les mots de la lettre ouverte signée par une centaine des plus grandes joueuses internationales, parmi lesquelles l’américaine Becky Sauerbrunn ou la canadienne Jessie Fleming, sont forts. Elles vont même jusqu’à dire que ce partenariat est “un doigt d’honneur au football féminin”. Il s’agit d’un contrat qui englobe les droits des mondiaux de football, masculin en 2026 et féminin en 2027 pour une période de quatre ans, de 2024 à 2028.
Le sponsoring n’est pas neutre mais il est rare de voir les sportifs eux-mêmes contester le choix des partenaires face à des fédérations toutes puissantes. “Ce sponsoring est en contradiction avec les propres engagements de la FIFA sur les droits humains et la protection de la planète” a expliqué par exemple la joueuse néerlandaise Vivianne Miedema, signataire de la lettre ouverte. Elle fait allusion aux violations des droits humains dont l’Arabie saoudite est responsable, en particulier à l’égard des femmes et des minorités LGBTQ+ mais aussi aux activités climaticides d’Aramco : “un cauchemar pour le climat”, écrivent-elles.
Une opération de “sportwashing”
Détenue à plus de 98 % par l’Etat saoudien, Aramco est la plus grosse compagnie pétrolière au monde. Elle continue à produire 12 millions de barils de pétrole par jour malgré son engagement à atteindre la neutralité carbone en 2050 qui repose, pour l’essentiel, sur une technologie de capture de carbone très incertaine. Les estimations attribuent au géant saoudien près de 5 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales depuis 1965. Il y a six mois Aramco pensait avoir fait un coup marketing remarquable avec le slogan de ce partenariat lancé en grande pompe. “C’est notre énergie qui change le jeu. C’est notre énergie qui conduit le monde plus loin.”
Creating impact through the power of football with @FIFAcom ⚽
#aramco pic.twitter.com/vxyup8x3Jn— aramco (@aramco) April 25, 2024
L’Arabie saoudite cherchait le moyen d’avoir un rôle prépondérant dans le football mondial pour reprendre le leadership obtenu par le Qatar qui a réussi sa Coupe du monde de football fin 2022. La lettre ouverte des joueuses de football vient de transformer l’opération en un des plus gros coups de “sportwashing” mondial. “La FIFA est la pom-pom girl de l’Arabie saoudite”, disent-elles dans la lettre ouverte. C’est effectivement un pays qui mise massivement sur le soft power qu’apporte l’organisation d’évènements sportifs parmi les plus prestigieux.
Pas de joueuses françaises
Les compagnies pétrolières sont les championnes du “sportwashing” dans lequel elles auraient investi 5 milliards de dollars selon un rapport sorti en septembre. On ne connaît pas le montant du contrat entre la FIFA et Aramco mais la Fédération internationale prévoit passé de 7 à 10 milliards d’euros de revenus pendant la période couvrant le partenariat. Les impacts environnementaux et sociaux ainsi que le parfum de corruption de cette période d’enrichissement exceptionnel sont à nouveau ramenés sur le devant de la scène. Il y a deux ans, c’étaient les équipes nationales norvégiennes, allemandes et néerlandaises qui avaient dénoncé les violations des droits humains au Qatar.
Le choix des sponsors et de leurs motivations, les montants obtenus, rien n’est vraiment public mais seuls les partenariats sportifs permettent de jouir d’une visibilité planétaire dont ont pleinement profité les sponsors des JO cet été à Paris. A ce stade aucune joueuse internationale française n’a signé, seules quatre jeunes joueuses se sont engagées au côté de grandes stars du football féminin.