Publié le 3 octobre 2024

Avec au moins 155 morts et des destructions colossales, Hélène serait l’ouragan le plus puissant depuis le XIXème siècle. Il a dévasté, à deux mois des élections, des Etats clefs comme la Floride ou la Géorgie où le scrutin sera serré. L’ouragan Hélène est donc devenu un enjeu électoral mais, au-delà des clivages entre Démocrates et Républicains, il montre que les infrastructures américaines ne sont pas à la hauteur des défis climatiques que doit affronter le pays.

Donald Trump a été le premier à s’emparer de la catastrophe pour dénoncer les négligences dans les secours. Selon lui, ses adversaires démocrates en seraient responsables “parce que la catastrophe a touché des Etats Républicains”. Il est tout de suite allé en Géorgie, Etat qu’il continue de considérer avoir gagné il y a quatre ans, pour “rencontrer des victimes, distribuer des couvertures” et au passage s’en prendre à Kamala Harris, accusée d’avoir disparu, “missing in action” selon ses termes. De son côté, la candidate démocrate ne s’est rendue sur place que 48 heures après, laissant Joe Biden survoler la zone la plus touchée en Caroline du Nord, le comté d’Asheville.

Les images de survol d’une catastrophe sont un sujet électoralement abrasif pour les présidents américains depuis que George W. Bush s’était contenté en 2005 de survoler la Nouvelle-Orléans plusieurs jours après le passage de Katrina. L’ouragan avait submergé la ville et provoqué la mort de plus de 1 800 personnes, majoritairement pauvres et noires. Le président républicain avait été accusé à l’époque de faire du tourisme et de se désintéresser des victimes. Sa cote de popularité avait aussitôt plongé, laissant un boulevard à l’élection de Barack Obama, trois ans plus tard.

La “science bizarre” du climat

Depuis vingt ans, les catastrophes climatiques sont plus ou moins reliées au réchauffement climatique comme l’a montré le débat qui opposait, le 1er octobre au soir, les deux candidats à la vice-présidence, JD Vance pour Donald Trump et Tim Walz pour Kamala Harris. Ils ont exprimé de la compassion pour les victimes, mais le premier a évoqué la “science bizarre” du climat. Il a surtout confirmé que Donald Trump voulait mettre fin à “l’arnaque verte” que serait l’Inflation Reduction Act (IRA), ce plan vert lancé par Joe Biden qui a permis de développer massivement les technologies vertes comme les énergies renouvelables. En revanche Tim Walz, originaire du Midwest, a affirmé que le changement climatique est une réalité que les agriculteurs du Minnesota connaissent et qu’il faut défendre l’IRA. Hélène a ainsi permis de faire entrer dans le champ de la présidentielle des enjeux cruciaux mais qui restent marginaux dans le débat.

Les risques climatiques sont pourtant majeurs et coûteux. D’ouragans en tempêtes, les mêmes images se répètent : routes arrachées, maisons balayées et communautés qui s’entraident pour réparer ce qui peut encore l’être. Quelques mois plus tôt, des populations chassées par les incendies et écrasées par la canicule défilaient sur les écrans. En juillet, la terre était en feu et la Californie brûlait sous 47 degrés. En septembre, au moins quatre Etats touchés par Hélène vont compter leurs morts par dizaines, voire centaines puisqu’il reste 600 disparus. Ils vont porter pendant de long mois les stigmates d’un ouragan ravageur qui a gagné des terres dans les Appalaches où “on n’avait jamais vu ça”. La Caroline du Nord est l’un des ces Etats. Les deux candidats y sont à égalité et les votes par correspondance viennent de commencer. Sur les 250 000 demandes, 10 000 étaient déjà parties quand Hélène a tout cassé. La participation des habitants de l’Etat est donc compromise, y compris le jour du vote, sauf si Républicains et Démocrates s’activent pour réparer.

Des Etats très exposés mais contre la finance climat

Le grand paradoxe américain est d’être un pays riche, doté d’infrastructures mais en piteux état laissant les populations les plus pauvres dans des situations de grande vulnérabilité. Dans des Etats frappés plusieurs fois dans l’année par des événements climatiques, les gouverneurs républicains en particulier continuent à batailler contre toute prise en compte des risques climatiques par le secteur financier, plaidant que cela risquerait d’assécher les financements d’énergies fossiles. C’est le cas de la Floride, dirigée par Ron de Santis. Le candidat aux primaires républicaines a pris la tête de la croisade contre les investisseurs qui voudraient s’engager dans la lutte contre le changement climatique. Il dirige pourtant un Etat dont les côtes ont été ravagées en 2022 par Ian, en 2023 par Idalia et maintenant par Hélène.

Chaque fois l’histoire se répète. Des dégâts qui se comptent en milliards de dollars, des maisons à reconstruire, des bateaux qui dérivent sur des parkings, des voitures précipitées contre les arbres. Imperturbablement, Ron de Santis vante les capacités de résilience des communautés qui se retroussent les manches pour réparer, oubliant les catastrophes précédentes qui ne datent que de quelques mois.

Les assureurs eux n’oublient rien et désertent progressivement des régions de moins en moins assurables. Près de 40 millions d’habitations seraient concernées aux Etats Unis, un quart du pays ! Les résultats de l’élection présidentielle montreront peut-être que les citoyens américains commencent à prendre conscience de leurs nouvelles vulnérabilités, s’ils choisissent celle qui sait que le réchauffement climatique existe contre celui qui n’y croit même pas.

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