Quel est le rapport entre la Fédération internationale de football et Saudi Aramco, la première compagnie pétrolière au monde ? Les contrats de sponsoring, dénonce le New Weather Insitute (NWI). Selon un rapport publié mercredi 18 septembre par le think tank spécialiste de l’économie responsable, les entreprises de combustibles fossiles sont aujourd’hui omniprésentes dans le monde du sport. Après le greenwashing, le pinkwashing ou l’ODD washing, voici donc venu le temps du “sportswashing”.
Les chiffres parlent d’eux même. Football, rugby, cyclisme, cricket, formule 1 ou encore golf… En mars 2024, 5,6 milliards de dollars ont été investis par les pétroliers dans le parrainage du sport mondial. Dans son analyse, le NWI a comptabilisé plus de 200 contrats actifs à ce jour. L’objectif pour les entreprises est double : renforcer leur influence politique tout en associant leurs activités, délétères pour l’environnement et la santé, à des événements populaires. Une stratégie largement utilisée auparavant par l’industrie du tabac, dorénavant exclue des contrats de sponsorisation.
Des montants sous-évalués
Sur le podium des entreprises des énergies fossiles investissant le plus dans le sport, on retrouve en cinquième position TotalEnergies dont les partenariats s’élèvent à 327 millions de dollars d’après le NWI. La compagnie pétrolière parraine plusieurs événements internationaux comme la Coupe d’Afrique des Nations et la Coupe du monde de rugby. Elle est également présente dans le cyclisme avec une équipe professionnelle qui porte son nom et a noué un contrat avec la Fédération mondiale de badminton, particulièrement présente en Asie. “Nos partenariats sportifs nous permettent d’accentuer notre ancrage territorial. (…) Par ailleurs, même si nous ne communiquons pas sur les budgets de nos différents sponsorings, ils restent modestes par rapport à ceux que peuvent investir d’autres entreprises de moindre taille que la nôtre dans les mêmes sports”, répond TotalEnergies en réaction au rapport.
Viennent ensuite les entreprises britanniques Shell et Ineos. La première s’illustre particulièrement pour ses investissements dans la formule 1, le cyclisme et le football, dont la somme atteint 496 millions de dollars. Ces dernières années, le pétrolier a également élargi sa stratégie de sponsoring à l’e-sport, en participant en 2019 au financement du championnat européen League of Legends. De son côté, Ineos multiplie les partenariats dans de nombreuses disciplines dont le rugby : elle a ainsi signé un contrat d’une durée de six ans avec la célèbre équipe des All Blacks. Au total, la société pétrochimique aurait dépensé 776 millions de dollars.
Mais c’est bien le géant saoudien Aramco qui remporte la palme avec 1,3 milliard de dollars investis dans le sport en 2024. “Partenaire mondial majeur” de la FIFA jusqu’en 2027 et sponsor de la Concacaf, l’instance dirigeante du football en Amérique du Nord, en Amérique centrale et dans les Caraïbes, il tient une place importante dans l’industrie du ballon rond. Une enveloppe considérable mais qui pourrait en réalité être encore plus importante. Par manque d’informations, les montants analysés dans le rapport seraient en effet largement sous-évalués alerte le NWI.
L’avenir du sport en jeu
“Sur les 205 accords actifs que nous avons trouvés, seuls 41 étaient assortis d’une valeur monétaire, ce qui souligne le manque de transparence de ces relations commerciales”, observent le think tank. De plus, les dons, les paiements en nature, l’acquisition de clubs ou encore le sponsoring d’événement sportifs par des Etats pétroliers s’ajoutent aux stratégies de parrainage des entreprises et pourraient amplement gonfler la note. C’est notamment le cas de l’Arabie saoudite. Le pays dont l’économie repose principalement sur les activités de la compagnie pétrolière nationale, accueillera ainsi la Coupe du monde de football en 2034.
La sponsorisation des athlètes, devenus de véritables influenceurs sur les réseaux sociaux, s’inscrit par ailleurs de plus en plus dans la stratégie des pétroliers. Encore plus opaques, ces contrats peuvent aller de 50 000 dollars à plusieurs millions. Parmi les exemples les plus marquants, le NWI mentionne la star du football Lionel Messi qui aurait touché près de 25 millions de dollars pour participer à une campagne de communication visant à développer le tourisme en Arabie Saoudite. “Faire appel à l’influence est beaucoup plus efficace qu’une publicité classique”, nous expliquait à ce sujet Amélie Deloche, co-fondatrice de Paye ton influence, en septembre 2023.
Face à ce constat, un sursaut du monde sportif est essentiel avance Andrew Simms, co-directeur du New Weather Institute. “Si le sport veut avoir un avenir, il doit se débarrasser de l’argent sale des grands pollueurs et cesser de promouvoir sa propre destruction”, affirme-t-il dans un communiqué. Les initiatives en ce sens commencent à voir le jour mais restent encore minoritaires. Pour accélérer le passage à l’action, António Guterres, a appelé en juin dernier à l’interdiction de la publicité par les entreprises pétrolières. “Les combustibles fossiles n’empoisonnent pas seulement notre planète, ils sont toxiques pour votre marque”, a asséné le secrétaire général des Nations unies.
[MAJ le 18/09 à 11h06 – ajout de la réaction de TotalEnergies]