La grève pourrait être massive. Près de 25 000 ouvriers du constructeur aéronautique Boeing, principalement des machinistes, ont voté à la quasi-unanimité le principe d’une possible grève générale, en cas d’échec de la renégociation de la convention collective des salariés du groupe. Alors que l’entreprise traverse déjà une crise structurelle majeure, suite à une série d’accidents et d’incidents techniques depuis plusieurs années, les relations sociales au sein de Boeing sont plus que jamais tendues.
Les salariés, via le syndicat IAM District 751, réclament notamment une hausse des rémunérations d’au moins 40 % répartie sur les trois prochaines années, après plus de 15 ans de quasi-stagnation salariale. La convention collective des ouvriers de Boeing, négociée en 2008, arrive en effet à échéance au mois de septembre, et la renégociation lancée en mars dernier, a cristallisé les conflits sociaux au sein de l’avionneur. Alors que le cours des actions de Boeing a été multiplié par 4 depuis 15 ans, les ouvriers du groupe n’ont quant à eux obtenu que quatre revalorisations salariales d’à peine 1%. Ces derniers réclament donc une hausse “substantielle” de leurs salaires, à même de compenser l’inflation massive des dernières années.
Des négociations difficiles
Face à des négociations qui patinent, le syndicat IAM 751 District a décidé de dégainer la menace d’une grève massive, pour faire pression sur Boeing. “Nous souhaitons que l’entreprise prenne nos propositions sérieusement et négocie sincèrement” explique le syndicat dans un communiqué. Contactée par Novethic, Boeing a réagi en indiquant : “Nous restons convaincus que nous pouvons parvenir à un accord qui équilibre les besoins de nos employés et les réalités commerciales auxquelles nous sommes confrontés en tant qu’entreprise.”
Mais la négociation pourrait s’avérer extrêmement difficile entre Boeing et ses salariés. Comme l’explique à Novethic Mustafa Erdem Sakinç, maître de conférences en économie à l’Université Sorbonne Paris Nord et spécialiste du groupe, “la politique de réduction des coûts, d’externalisation massive et de désinvestissement industriel mise en place depuis les années 2000 a fortement dégradé les relations industrielles au sein de Boeing, et les tensions avec les salariés sont désormais très fortes.” Le déménagement de son siège social et de certaines usines et les plans de licenciements et de départs volontaires successifs ont ainsi contribué à envenimer les relations.
La grève, un risque social majeur
En 2020, l’enquête consécutive aux crashs de deux avions du groupe en 2018 et 2019 révélera d’ailleurs l’ampleur de la rupture entre les salariés et dirigeants. Dans les conversations internes rendues publiques à cette occasion, certains salariés mentionnent ainsi “un problème de culture systémique”, sacrifiant la qualité industrielle au profit de la réduction des coûts, “des dirigeants qui ne comprennent pas grand chose à l’industrie”. Outre les revalorisations salariales, c’est cette culture que dénoncent aujourd’hui les syndicats, qui réclament aussi que l’entreprise s’engage sur la pérennisation des emplois et le redressement de la qualité industrielle du groupe. “Le manque de vision des dirigeants de l’entreprise menace les capacités de subsistance de nos membres. Nous nous battons pour changer cette entreprise et la sauver d’elle-même“, résume ainsi Jon Holden, président du syndicat IAM District 751.
Le risque social apparaît donc aujourd’hui considérable pour Boeing, tant la défiance semble grande au sein des équipes du groupe. Un risque social qui s’ajoute aux risques stratégiques, juridiques et de gouvernance qui s’accumulent depuis des mois pour le constructeur américain, accusé de négligences en matière de sécurité. Si la crise sociale persiste, cela mettra encore du plomb dans l’aile de l’avionneur, qui peine déjà à assurer la cadence des livraisons de ses avions, alors que les commandes sont pourtant en hausse de près de 18% depuis un an.