Publié le 25 juillet 2024

Pris la main dans le sac, ou plutôt sur le tuyau d’arrosage. Une enquête de l’Office français de la biodiversité a révélé que pendant plus de 20 ans la station de ski de La Clusaz a pompé l’eau d’une source pour fabriquer de la neige artificielle sans aucune autorisation. Une affaire qui risque de fragiliser la candidature des Alpes françaises aux JO d’Hiver de 2030.

L’information était jusque-là restée totalement confidentielle. Mais nos confrères du média Blast ont révélé, le mercredi 17 juillet, comment la station de ski de La Clusaz a pompé illégalement l’eau d’une source pendant plus de 20 ans. Cette découverte est le fruit d’une enquête judiciaire menée par l’Office français de la biodiversité (OFB) en juillet 2022 alors qu’une grande partie du département de la Haute-Savoie était placée en alerte renforcée pour sécheresse.

La préfecture avait quant à elle annoncé la mise en place de certaines mesures de restrictions d’usages de l’eau, notamment l’arrosage des jardins et des extérieurs, ainsi que le remplissage des retenues collinaires. Sauf que du côté de la commune La Clusaz, les bosquets continuaient d’être arrosés avec de l’eau pompée dans la retenue du Lachat, qui d’ailleurs était elle aussi toujours alimentée en eau.

Intrigués, les agents de l’OFB inspectent les installations et découvrent un dispositif secret de captage d’eau via un système souterrain. Et en remontant jusqu’au bout du tuyau, la police de l’environnement tombe nez-à-nez avec un local de la commune étiqueté “neige de culture”. Problème : cette infrastructure n’est mentionnée nulle part sur les plans d’aménagement et n’a jamais été autorisée.

Une installation secrète

Sur le procès-verbal de l’OFB qu’a pu se procurer Blast, on peut lire à son sujet qu’“il s’agit d’une installation complexe caractérisant le fait qu’une réflexion poussée et des investissements importants ont été mis en œuvre par la commune”. La station de ski – où la neige représente 70% de ses revenus – a ainsi pompé illégalement l’eau de la source de Lachat de 2000 à 2023, essentiellement pour fournir ses canons à neige et assurer la pérennité de son activité. Au total, entre 2014 et 2023, date de la fermeture définitive du dispositif, 135 108 m3 d’eau ont été volées. Soit plus de 54 piscines olympiques.

Pour l’OFB, la Clusaz “a délibérément capté la source du Lachat”, sans jamais avoir pris la peine de déclarer l’ouvrage à la direction départementale des territoires (DDT) de Haute-Savoie. Alors qu’elle a pourtant eu plusieurs opportunités de le faire, note l’agence environnementale. Interrogée par Blast, la commune affirme aujourd’hui qu'”il n’y a plus de sujet”. “Nous sommes en médiation avec l’OFB et des mesures correctives ont été prises”, explique-t-elle. A noter qu’en septembre 2023, le maire de La Clusaz avait finalement renoncé (provisoirement) à la construction d’une retenue d’eau dont les deux tiers étaient destinés à la neige artificielle. Un revirement de situation qui avait surpris les associations environnementales alors que le projet était contesté depuis des années.

Des JO d’hiver “sous conditions”

La Clusaz, ainsi que l’adjoint chargé de la gestion des retenues collinaires, Didier Collomb-Gros, encourent des amendes pénales de 5e classe pour “non-respect du projet fondement de l’autorisation ou de la déclaration d’une opération nuisible à l’eau ou au milieu aquatique” et pour “exercice d’une activité nuisible à l’eau ou au milieu aquatique”.  Ils encourent également jusqu’à 75000 euros d’amende.

Cette révélation vient s’ajouter à une longue liste d’affaires qui entache la commune à l’heure où le Comité international olympique a finalement décidé d’attribuer, mercredi 24 juillet, les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver 2030 aux Alpes françaises, les seules en lice. Sauf que la crise politique est passée par là et l’attribution des JO à la France se fait “sous conditions”, faute d’avoir fourni les engagements financiers demandés par le CIO. “La commission exécutive du CIO a décidé de maintenir le caractère conditionnel qui se fonde sur les garanties des Jeux qu’il reste à fournir. Le CIO ne signera pas le contrat de la ville hôte jusqu’à ce que les garanties de livraison soient reçues”, a indiqué John Coates, vice-président du CIO.

En attendant la finalisation du dossier, exigé “avant le 1er octobre” par le CIO, les Ecologistes ont signalé le fait que “La Clusaz n’est sûrement pas la seule station en illégalité tant l’accaparement de l’eau pour les besoins du ski est devenu un enjeu lourd”. Ainsi, dans un communiqué, le parti appelle à l’organisation d’un audit “complet, indépendant et approfondi sur l’état des ressources en eau en montagne”.

Contacté par Novethic, l’OFB et La Clusaz n’ont pour le moment pas répondu à nos sollicitations.

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes